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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome I, 1782.djvu/33

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quer tous ses sens : il verra des enfans nus qui manquent de pain ; une femme qui, malgré la tendresse maternelle, leur dispute quelques alimens ; & le travail du malheureux devenir insuffisant pour payer des denrées que greve le plus cruel des impôts. On a falsifié la nourriture du misérable, & il ne mange presque plus rien tel qu’il est sorti des mains de la nature. Le cri de l’infortuné retentit sous ces toits entr’ouverts & ressemble au vain son des cloches dont il est voisin, qui ébranle l’air & s’évanouit ; la langueur le consume, en attendant que l’hôpital s’ouvre & l’engloutisse.

Quand cet infortuné s’éveille le matin pour recommencer ses pénibles & infructueux travaux, il entend le char de la fortune, qui en rentrant fait trembler la maison. L’homme opulent & débauché, voisin du malheureux par le local, éloigné de lui à mille lieues par le cœur, se couche, fatigué du plaisir, lorsque l’autre s’arrache au sommeil. Le riche a perdu ou gagné sur une carte ce qui auroit suffi à