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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome I, 1782.djvu/71

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compagnie ; l’air sérieux, le ton caustique, annoncent que la plupart des habitans rêvent à leurs dettes, & sont toujours aux expédiens.

Les dépenses qu’entraînent le luxe & la manie des superfluités ont rendu tout le monde pauvre, & l’on s’intrigue perpétuellement, pour parer aux frais de représentation. Affaires, embarras, servitudes, projets ; tout cela se lit sur les visages. Dans une société de vingt personnes, dix-huit s’occupent des moyens d’avoir de l’argent, & quinze n’en trouveront point.

Les ris naissent de la modération des desirs : on ne la connoît plus : on tombe dans la réserve, de là dans la sécheresse ; & l’abus de l’esprit vient encore rétrécir les cœurs. Les visages voudroient se montrer épanouis ; mais une vraie inquiétude trahit le tourment intérieur de l’ame. Si l’on jouit encore, c’est dans des parties obscures & secretes, où l’on est seul, où le libertinage prend la place de la volupté ; on y est quelquefois distrait, jamais heureux.