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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IV, 1782.djvu/152

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c’est le défilé des spectacles. Les maisons sont ébranlées par le roulis des voitures ; mais ce bruit est passager. Le beau monde fait de courtes visites en attendant le souper.

C’est l’heure aussi où toutes les prostituées, la gorge découverte, la tête haute, le visage enluminé, l’œil aussi hardi que le bras, malgré la lumiere des boutiques & des réverberes, vous poursuivent dans les boues en bas de soie & en souliers plats : leurs propos répondent à leurs gestes. On dit que l’incontinence sert à préserver la chasteté ; que ces femmes vulgivagues empêchent le viol ; que, sans les filles de joie, on se feroit moins de scrupule de séduire & d’enlever de jeunes innocentes. Il est vrai que le rapt & le viol sont devenus très-rares.

Quoi qu’il en soit, ce scandale incroyable pour la province, se passe à la porte de l’honnête bourgeois qui a des filles, spectatrices de cet étrange désordre. Il leur est impossible de ne pas voir & de ne pas entendre ce que ces femmes licencieuses se permettent de dire.