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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VI, 1783.djvu/176

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Il faut qu’il soit volé sans qu’il vacille. La main subtile se forme à la longue, & la cupidité la rend adroite & sûre ; mais la langue du filou qui l’endoctrine si bien & si à propos, comment a-t-il souvent une présence d’esprit admirable ?

Un homme qui venoit de recevoir un paiement chez un notaire, retournoit chez lui dans un carrosse de louage. Le cocher ne se souvenant plus du nom de la rue qu’on lui avoit indiquée, descendit de son siege & ouvrit la portiere pour le redemander. Il trouva notre homme roide mort. À sa premiere exclamation le monde s’amassa. Un filou qui passoit, fend tout-à-coup la presse, & d’une voix lamentable & pathétique, il s’écrie : c’est mon pere ! malheureux que je suis ! Et donnant toutes les marques de la plus vive douleur, pleurant, sanglottant, il monte dans le carrosse, embrasse le visage du mort. Le peuple fut touché & se dispersa, en disant : le bon fils ! Le filou fit marcher le carrosse & les sacs d’argent, & s’arrêtant à une porte,