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mains, lorsque Cicéron, Virgile, Tacite, l’écrivirent ! C’étoit un peuple libre & vainqueur qui la mettoit en usage ; c’étoit dans des climats doux qu’elle se prononçoit, & qu’elle résonnoit à des oreilles sensibles à l’harmonie ! Elle avoit de la douceur, de l’aménité, de la force & de l’élégance ; mais lorsque les barbares eurent renversé la capitale du monde en féroces vainqueurs, ils porterent leurs attentats jusques sur la langue. Ils la mutilerent comme les chefs-d’œuvres des autres arts. Cette langue s’abâtardit en passant par la bouche d’hommes qui étoient devenus esclaves ; elle ne fit plus entendre que le murmure d’une captive. Ce peuple si fier, tombé au dessous de l’abaissement, ne sachant plus penser, ne sut plus parler.

Le latin se refugia dans les cloîtres, où le monachisme, en lui prêtant l’obscurité, le louche, la superstition de ses viles & puériles idées, lui fit plus de mal que la rage des barbares.

Cette langue s’échappa des mains dessé-