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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VII, 1783.djvu/150

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bosquets, des rochers, des montagnes dont l’aspect parloit puissamment à son ame. Son imagination ne reposoit que sur les prés, les eaux, les bois & leur solitude animée. Cependant il est venu presque sexagénaire se loger à Paris, rue Plâtriere ; c’est-à-dire, dans la rue la plus bruyante, la plus incommode, la plus passagere & la plus infestée de mauvais lieux.

Qui l’eût dit que J. J. Rousseau auroit passé les dix dernieres années de sa vie dans les fanges & le tumulte de la capitale, tandis que l’auteur de la Pucelle a vécu trente années sans y mettre le pied ?

Quoi, celui qui avoit entendu le cri des aigles planans sur les forêts de sapin, le rugissement des torrens bleuâtres, lime sourde & éternelle qui fend les rocs, creuse des vallons, nourrit les lacs & les fleuves, est venu habiter un plancher étroit, resserré, où parvenoient sans cesse à son oreille les juremens des forts de la halle, & les glapissemens des crieuses de vieux chapeaux ! Et Voltaire qui