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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VII, 1783.djvu/171

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Que ceux que la nature assaisonne pour moi.
Va, rassemble ces fruits que méconnoît Pomone ;
Joins l’hiver à l’été, le printems à l’automne ;
Transporte, pour languir dans l’uniformité,
Ta cité dans les champs, les champs dans la cité ;
Qu’enfin le jour en nuit, la nuit en jour se change ;
De tous ces attentats la nature se venge,
Et ne laisse en fuyant que des sens émoussés,
Un cerveau vaporeux & des nerfs agacés.
Puis vante-nous le luxe & ses recherches vaines !
Stérile en vrais plaisirs, adoucit-il nos peines ?
Charme-t-il nos douleurs ? Ce monde de valets
A-t-il du fier Chrisés châtré les maux secrets ?
D’importuns tintemens frappent-ils moins l’oreille
Où pend d’un gros brillant la flottante merveille ?
Demande au vieux Narcis si sa bague une fois
Calma le dur accès qui vint tordre ses doigts.
Non, dans de vains dehors le bonheur ne peut être,
Et dans l’art de jouir l’orgueil est mauvais maître.
Mais l’homme fastueux cherche-t-il à jouir ?
Prétend-il vivre ? Non, il ne veut qu’éblouir.
Dans ses discours publics il met sa jouissance.
De l’éclat ruineux de sa folle dépense,
Veut-on le corriger ? Le moyen n’est pas loin ;
Ordonnez seulement qu’il soit fou sans témoin.