Page:Mercure de France - 1896 - Tome 17.djvu/372

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, sa puissance est abattue, le dernier vrai mandarin a été pendu, déjà des mains profanes font la récolte. Bientôt le « céleste empire » ne sera qu’une saga, une histoire à laquelle personne ne croit ; le monde entier est gris sur gris ; — nous avons jeté par terre le pays des merveilles. Mais s’il en est ainsi, — où donc est l’amour ? Oh, lui aussi se perd dans le désert ! (Il lève sa tasse.) Eh bien, s’évanouisse ce que le temps ne peut supporter ; — — je bois mon thé en l’honneur de défunt Amour !

(Il boit complètement ; grand mécontentement et mouvement dans la société.)

Mlle Skære

. — Voilà un bien étrange usage de la

parole !

Les Dames. — L’amour serait mort !

Straamand. — Vous le voyez ici sain, fort et vermeil sous toutes sortes de formes autour de la table de thé. Voici la veuve dans sa toilette noire —

Mlle Skære

. — Un ménage uni —

Styver

. — Dont le pacte d’amour peut témoigner de

nombreux et solides gages.

Guldstad

. — Puis vient la cavalerie légère de l’amour,

— les nombreux couples de fiancés.

Straamand. — D’abord les vétérans, dont l’union a osé résister aux injures du temps —

Mlle Skære

(interrompt). — Et aussi les élèves dans

la première classe, — le couple d’hier —

Straamand. — Bref, voilà l’été ; l’hiver, l’automne et le printemps ; cette vérité, vous pourrez la toucher du doigt, la voir avec vos yeux, l’entendre de vos oreilles —

Falk

. — Eh bien ?

Mlle Skære

. — Et cependant vous lui montrez la

porte !

Falk

. — Vous m’avez encore grandement mécompris,

mademoiselle. Quand ai-je nié que tout cela existât ? Mais vous conviendrez bien que la fumée n’est pas toujours la preuve certaine du feu. Je sais parfaitement que l’on se marie, que des familles se fondent, et tout cela ; vous ne m’entendrez sûrement jamais nier que l’on écrit des petits billets sur papier rose, fermés avec deux colombes qui — se querellent, qu’il y a des fiancés dans toutes les rues, que ceux qui viennent faire compliment ont du chocolat, et que la mode et l’usage ont établi tout un système de règles pour chaque fiançaille — — mais, mon Dieu, nous avons aussi des commandants, un arsenal avec un grand matériel, il s’y trouve des trompettes, des rap