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Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/101

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déclinaient ou étaient déjà parvenues à des relations entièrement nouvelles. Les Eloïs, comme les rois carolingiens, en étaient venus à n’être que des futilités simplement jolies : ils possédaient encore la terre par tolérance et parce que les Morlocks, subterranéens depuis d’innombrables générations, étaient arrivés à trouver intolérable la surface de la terre éclairée par le soleil. Les Morlocks leur faisaient leurs habits, concluais-je, et subvenaient à leurs besoins habituels, peut-être à cause de la survivance d’une vieille habitude de domestication. Ils le faisaient comme un cheval cabré agite ses jambes de devant ou comme un homme aime à tuer des animaux par sport : parce que des nécessités anciennes et disparues en avaient donné l’empreinte à l’organisme. Mais clairement, l’ordre ancien était déjà en partie interverti. La Némésis des délicats Eloïs s’avançait pas à pas. Pendant des âges, pendant des milliers de générations, l’homme avait chassé son frère de sa part de bien-être et de soleil. Et maintenant ce frère réapparaissait transformé. Déjà les Eloïs avaient commencé à apprendre de nouveau une vieille leçon. Ils refaisaient connaissance avec la crainte. Et soudain me revint à l’esprit le souvenir du repas que j’avais vu préparé dans le monde subterranéen. Étrangement, ce souvenir me hanta : non pas soulevé pour ainsi dire par le cours de mes méditations, mais survenant presque comme une interrogation du dehors. J’essayai de me rappeler les formes ; j’avais un vague sens de quelque chose de familier, mais à ce moment je ne pouvais dire ce que c’était.

« Pourtant, quelque impuissants que fussent les