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Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/120

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des broussailles et de hautes herbes, et je ne me sentais pas protégé contre leur approche insidieuse. La forêt, à ce que je supposais, devait avoir un peu moins d’un mille de largeur. Si nous pouvions, en la traversant, atteindre le versant dénudé de la colline, là, me semblait-il, nous trouverions un lieu de repos absolument sûr : je pensai qu’avec mes allumettes et le camphre je réussirais à éclairer mon chemin à travers la forêt. Cependant, il était évident que si j’avais à agiter d’une main des allumettes, il me faudrait abandonner ma provision de bois ; aussi, je la posai à terre, bien à contre cœur. Alors il me vint l’idée de stupéfier nos amis derrière nous en l’allumant. Je devais bientôt découvrir l’atroce folie de cet acte, mais il se présentait à mon esprit comme une tactique ingénieuse, destinée à couvrir notre retraite.

« Je ne sais pas si vous avez jamais songé quelle chose rare doit être la flamme en l’absence de l’homme et sous un climat tempéré. La chaleur solaire est rarement assez forte pour produire la flamme, même quand elle est concentrée par des gouttes de rosée, comme c’est quelquefois le cas en des contrées plus tropicales. La foudre peut abattre et carboniser, mais elle est rarement la cause d’incendies considérables. Des végétaux en décomposition peuvent occasionnellement couver de fortes chaleurs pendant la fermentation ; mais il est rare qu’il en résulte de la flamme. À cette époque de décadence, l’art de produire du feu avait été oublié sur la terre. Les langues rouges qui s’élevaient en léchant le tas de bois étaient pour Weena une chose étrange et entièrement nouvelle.