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mercvre de france—x-1899

Le clergyman se tourna de son côté pour voir s’il parlait sérieusement, et quand ses regards revinrent à M. Cave, il remarqua que le visage de ce dernier était tout pâle.

— C’est une bien grosse somme, dit le clergyman, et, fouillant dans sa poche, il commença à compter ses ressources. Il n’avait guère plus de trente shillings, et il dut demander le reste à son compagnon avec lequel il paraissait être sur le pied d’une grande intimité. Ceci donna à M. Cave le temps de rassembler ses idées, et il commença à expliquer d’une façon fort troublée que, en réalité, l’œuf de cristal n’était pas exactement en vente. Ses deux clients en montrèrent naturellement quelque surprise, et lui demandèrent pour quelle raison il ne l’avait pas dit tout de suite. M. Cave devint fort confus, et s’empêtra dans une histoire invraisemblable, prétendant qu’il ne pouvait pas vendre le cristal cette après-midi-là, qu’un acheteur probable l’avait déjà retenu. Les deux clients, croyant de sa part à une tentative pour élever encore le prix, firent semblant de s’en aller. Mais à ce moment la porte de l’arrière-boutique s’ouvrit et la propriétaire des deux petits yeux entra.

C’était une femme corpulente, aux traits vulgaires, plus jeune et beaucoup plus grosse que M. Cave : elle marchait pesamment et sa figure était rubiconde.

— Le cristal est à vendre, affirma-t-elle, et cinq guinées, c’est un prix bien suffisant. Je me demande ce qui vous prend, Monsieur Cave, de ne pas accepter les offres de ces messieurs.

M. Cave, grandement troublé par cette irruption, jeta à sa femme, par-dessus ses lunettes, un regard de colère, et, sans excessive assurance,