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la guerre des mondes

— Je ne bougeai pas, dit-il, ne comprenant rien à ce qui se passait, et avec un poitrail de cheval qui m’écrasait. Nous avions été balayés d’un seul coup. Et l’odeur — bon Dieu ! comme de la viande brûlée. En tombant de cheval, je m’étais tordu les reins et il me fallut rester là jusqu’à ce que le mal fût passé. Une minute auparavant, on aurait cru être à la revue, — puis patatras, bing, pan ! — Balayés d’un seul coup ! répéta-t-il.

Il était demeuré fort longtemps sous le cheval mort, essayant de jeter des regards furtifs sur la lande. Les hussards avaient tenté, en s’éparpillant, une charge contre le cylindre, mais ils avaient été simplement supprimés en un instant. C’est alors que le monstre s’était dressé sur ses pieds et s’était mis à aller et venir tranquillement à travers la lande, parmi les rares fugitifs, avec son espèce de tête se tournant de côté et d’autre exactement comme une tête d’homme capuchonnée. Une sorte de bras portait une boîte métallique compliquée, autour de laquelle des flammes vertes scintillaient, et, hors d’une espèce d’entonnoir qui s’y trouvait adapté, jaillissait le Rayon Ardent.

En quelques minutes il n’y eut plus, autant que le soldat put s’en rendre compte, un seul être vivant sur la lande, et tout buisson et tout arbre qui n’était pas encore consumé brûlait. Les hussards étaient sur la route au-delà de la courbure du terrain et il ne put voir ce qui leur arrivait. Il entendit les Maxims craquer pendant un moment, puis ils se turent. Le géant épargna jusqu’à la fin la gare de Woking et son groupe de maisons, puis le Rayon Ardent y fut braqué et tout fut en un instant changé en un monceau de ruines enflammées. Enfin, le monstre éteignit le Rayon et, tournant le dos à