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la guerre des mondes

— Voilà qui est parfait, dis-je. Ils seront bien reçus par ici, en tout cas.

L’artilleur s’arrêta, hésitant, devant la barrière.

— Non, je continue, fit-il.

Plus loin, vers Weybridge, juste à l’entrée du pont, il y avait un certain nombre de soldats en petite tenue élevant une longue barricade devant d’autres canons.

— Ce sont des arcs et des flèches contre le tonnerre, dit l’artilleur. Ils n’ont pas encore vu ce diable de rayon de feu.

Les officiers que leur service ne retenait pas s’étaient groupés et examinaient l’horizon par-dessus les sommets des arbres vers le sud-ouest, et les hommes s’arrêtaient de temps à autre pour regarder dans la même direction.

Byfleet était rempli de ce tumulte. Des gens faisaient des paquets et une vingtaine de hussards, quelques-uns à pied, les autres à cheval, les obligeaient à se hâter. Trois ou quatre camions administratifs, un vieil omnibus et beaucoup d’autres véhicules étaient alignés dans la rue du village et on les chargeait de tout ce qui semblait utile ou précieux. Il y avait aussi des gens en grand nombre qui avaient été assez respectueux des coutumes pour revêtir leurs habits du dimanche. Les soldats avaient toutes les peines du monde à leur faire comprendre la gravité de la situation. Nous vîmes un vieux bonhomme ridé, avec une immense malle et plus d’une vingtaine de pots contenant des orchidées, faire de violents reproches au caporal qui ne voulait pas s’en charger. Je m’arrêtai et le saisis par le bras.

— Savez-vous ce qui vient là-bas ? lui dis-je en montrant les bois de sapins qui cachaient la vue des Marsiens.