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mercvre de france—xii-1899

— Ni l’un ni l’autre, peut-être, répondis-je. Plus puissants ils sont, plus réfléchis et plus prudents nous faut-il être. L’un d’entre eux a été tué, là-bas, il n’y a pas trois heures.

— Tué ! dit-il, en promenant ses regards autour de lui. Comment les envoyés du Seigneur peuvent-ils être tués ?

— Je l’ai vu de mes yeux, continuai-je à lui conter. Nous avons eu la malechance de nous trouver au plus fort de la mêlée, voilà tout.

— Qu’est-ce que cette petite lueur dansante dans le ciel ? demanda-t-il soudain.

Je lui dis que c’était le signal de l’héliographe — le signe du secours et de l’effort humain.

— Nous sommes encore au beau milieu de la lutte, si paisibles que soient les choses. Cette lueur dans le ciel prévient de la tempête qui se prépare. Là-bas, selon moi, sont les Marsiens, et du côté de Londres, là où les collines s’élèvent vers Richmond et Kingston et où les bouquets d’arbres peuvent les dissimuler, des terrassements sont faits et des batteries disposées. Bientôt les Marsiens vont revenir de ce côté…

Au moment où je disais cela, il se dressa d’un bond et m’arrêta d’un geste.

— Écoutez ! dit-il.

De par-delà les collines basses de la rive opposée du fleuve, nous arriva le son étouffé d’une canonnade éloignée et de cris sinistres et lointains. Puis tout redevint tranquille. Un hanneton passa en bourdonnant par-dessus la haie auprès de nous. À l’ouest, le croissant de la lune, timide et pâle, était suspendu, très haut dans le ciel, au-dessus des fumées de Weybridge et de Shepperton, par-dessus la splendeur calme et ardente du couchant.