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Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/124

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la guerre des mondes

trouvé les écluses fermées et un souffle de panique dans l’air. Un voyageur vêtu d’un costume de flanelle bleu et blanc donna à mon frère d’étranges nouvelles.

— Il y a des masses de gens qui traversent Kingston dans des voitures et des chariots de toute espèce, chargés de malles et de ballots contenant leurs affaires les plus précieuses. Ils viennent de Molesey, de Weybridge et Walton, et ils disent qu’on tire le canon à Chertsey — une terrible canonnade — et que des cavaliers sont venus les avertir de se sauver immédiatement parce que les Marsiens arrivaient. À la gare de Hampton Court, nous, nous avons entendu le canon, mais nous avons cru d’abord que c’était le tonnerre. Que diable cela peut-il bien vouloir dire ? Les Marsiens ne peuvent pas sortir de leur trou, n’est-ce pas ?

Mon frère ne pouvait le renseigner là-dessus.

Peu après, il s’aperçut qu’un vague sentiment de péril avait gagné les voyageurs du réseau souterrain et que les excursionnistes dominicaux commençaient à revenir de tous les lungs du Sud-Ouest — Barnes, Wimbledon, Richmond Park, Kew, et ainsi de suite — à des heures inaccoutumées ; mais tous n’avaient à raconter que de vagues ouï-dire. Tout le personnel de la gare terminus semblait de fort mauvaise humeur.

Vers cinq heures, la foule qui augmentait incessamment aux alentours de la gare fut extraordinairement surexcitée, quand elle vit ouvrir la ligne de communication, presque invariablement close, qui relie entre eux les réseaux du Sud-Est et du Sud-Ouest et passer des wagons-trucs portant d’immenses canons et des wagons bourrés de soldats. C’étaient les canons qu’on envoyait de Wool-