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Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/361

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MERCVRE DE FRANCE—II-1900

colat au lait m’appelait comme un ami. Je fus tenté dès la première fois. Petit gourmand je m’approchais. Or une force agitait ma cuiller et jusqu’à la fin, maman, j’ai mangé mon chocolat. On finit même par mettre du pain dedans. Je ne mourus pas d’inanition. Chocolat au lait, je vous serai toujours reconnaissant parce que vous m’avez sauvé la vie.

Celui qui mange, la nature le fait rentrer dans ses lois. Un repas, une digestion et la faim qui les suit sont des phénomènes essentiels. C’est un nouveau sang qui se forme, une nouvelle chair aussi, et puis il semble que de nouvelles idées se forment en même temps. Vous participez à la vie ordinaire qui se compose de changements. Vous êtes en mouvement comme le vent, comme les hommes et comme toutes les forces naturelles. Un malade se renferme et se replie vers le passé. Sa pensée se souvient et revit les anciens instants tandis que son corps absorbe et boit les anciennes substances. Or il arrive, en ce temps-là, que sa pensée s’étiole et que son corps s’amaigrit parce que les anciens instants sont passés et parce que les anciennes substances sont épuisées.

Maman se dit qu’elle devait faire revivre mes idées comme elle avait fait revivre mon corps. Elle me fit retourner à l’école. Ça me distraira. Certainement, et lorsque je descendais avec mes cahiers sous le bras je pensais à des choses de l’école. Je devenais studieux. L’histoire de France m’emplissait la tête de ses actions de rois et de ses batailles. Je connus des bruits d’armures que frappaient les épées alors que Duguesclin, Jeanne d’Arc et les Anglais habitaient mon âme avec force comme ils