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Fulham, devenait fort épaisse. Une effrayante tranquillité régnait dans les rues. Dans une boulangerie, je trouvai du pain, suri, dur et moisi, mais encore mangeable. Du côté de Walham Green, la poussière noire avait disparu et je passai devant un groupe de maisons blanches qui brûlaient ; le crépitement des flammes me fut un réel soulagement, mais dans Brompton les rues redevinrent silencieuses.

Bientôt, la poussière noire tapissa de nouveau les rues, recouvrant les cadavres épars. J’en vis une douzaine en tout, au long de la grand-rue de Fulham. Ils devaient être là depuis plusieurs jours, de sorte que je ne m’attardai pas auprès d’eux. La poussière noire qui les enveloppait adoucissait leurs contours, mais quelques-uns avaient été dérangés par les chiens.

Dans tous les endroits que n’avait pas envahis la poussière noire, les boutiques closes, les maisons fermées, les jalousies baissées, l’abandon et le silence faisaient penser à un dimanche dans la Cité. En certains lieux, les pillards avaient laissé des traces, mais rarement ailleurs qu’aux boutiques de victuailles et aux tavernes. Une vitrine de bijoutier avait été brisée, mais le voleur avait dû être dérangé, car quelques chaînes d’or et une montre étaient tombées sur le trottoir. Je ne pris pas la peine d’y toucher. Plus loin, une femme déguenillée était affalée sur un seuil ; une de ses mains, qui pendait, était toute tailladée, le sang tachait ses haillons fangeux et une bouteille de champagne brisée avait fait une mare sur le trottoir. Elle paraissait dormir, mais elle était morte.

Plus j’avançais vers l’intérieur de Londres, plus profond devenait le silence. Ce n’était pas tellement le silence de la mort que l’attente de choses