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Page:Mercure de France - 1914-06-16, tome 109, n° 408.djvu/90

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Heureusement qu’il commençait à se connaître aux petits malaises des femmes, il l’obligea à se coucher. Le lendemain, qui était la veille de Noël, elle allait de nouveau tout à fait bien. Ils assistèrent ensemble à la messe de minuit, après quoi ils eurent leurs parents chez eux et leur offrirent du vin chaud, avec du sucre dedans et deux ou trois bâtons de cannelle, et des clous de girofle, et même du poivre, si on veut.

Noël passa, puis vint le Nouvel-An ; tout continuait d’être calme.


2

Il faut voir comment c’est dans les villages en cette saison. Après les temps qu’on peut sortir et aller librement partout, voilà que les chemins se ferment, et les maisons sont comme des prisons. On montre la montagne vraie. C’est triste, la montagne, en hiver. Il y a bien ce moment de Noël où comme une clarté descend ; sitôt qu’il est passé, on retombe aux ténèbres, on retrouve la chambre étroite (une seule chambre pour tous)et l’air lourd qui provient des fenêtres toujours fermées. Dehors c’est le brouillard ; pour peu qu’il fasse beau, le froid reprend. Et, comme on n’a rien à faire dehors, sauf les quelques-uns qui montent au bois, avec des cordes et des haches, le mieux encore est de rester chez soi, et tâcher de tuer la longueur des journées. Le bétail à soigner, voilà toute l’occupation qu’on a. A part quoi, on trouverait bien des réparations à faire ; un contrevent tient mal, la fourche ou le râteau aurait besoin d’un manche neuf, mais une paresse vous tient. On se dit : « A quoi bon ? » et on est là dans son gilet à manches, en grosse laine brune tricotée, à regarder par la fenêtre, à se chauffer au coin du feu ou à essayer de lire un journal. Pendant ce temps, les enfants crient. Beaucoup ont des mouchoirs noués autour de la tête, parce qu’ils ont mal aux dents. Et les femmes, ayant trop à faire avec tout ce monde autour d’elles, elles s’énervent, elles se fâchent, manœuvrent leurs balais à grands coups trop précipités et le cognent à tous les meubles.

Il semble que la bonne influence s’éloigne, et à mesure qu’elle s’éloigne, la mauvaise humeur reprend le dessus. Il y eut de nouveau des batailles, et le ménage Clinche allait de mal en pis. Vainement la femme faisait-elle toutes les conces-