Aller au contenu

Page:Metivet, Jean-qui-lit et Snobinet, 1909.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

SNOBINET

Tu vois que ce qu’on mange à Paris est tout de même meilleur que la nourriture qu’on t’offrirait si tu étais chez tes fameux sauvages des cinq parties du monde.

JEAN

Hé, hé ! mon vieux, il y avait, au dessert, des bananes qu’on n’a certes pas cueillies sur la place de l’Opéra, non plus que les mandarines ; ces fruits-là se récoltent dans les pays chauds, chez « mes » sauvages. Et tu as fort apprécié certain gâteau de riz à la vanille, riz d’Indo-Chine et vanille de Madagascar. À Paris, qui est une ville magnifique, j’en conviens, on n’aurait pas grand’chose à se mettre sous la dent si l’on devait se contenter de ce qui pousse sur le pavé de bois des chaussées, l’asphalte des avenues ou le bitume des trottoirs : tout ce qu’on mange, tout ce qu’on boit vient d’ailleurs. Ce soir, on a servi comme hors-d’œuvre du saucisson de Lyon, des sardines de Nantes, des anchois de Norvège et du beurre de Normandie. La poularde était du Mans, les truffes venaient de Périgueux, le jambon de Bayonne et, avec le pâté d’Amiens, la salade était assaisonnée avec de l’huile d’olives de Nice et du vinaigre d’Orléans.

Sans reparler du savoureux gâteau de riz, à la fois asiatique et africain, j’ai vu passer, au dessert, du fromage de Coulommiers, des pruneaux de Tours, du pain d’épices de Dijon, du miel de Narbonne, du nougat de Montélimar et des berlingots à la menthe baptisés « Bêtises de Cambrai » qui m’ont prouvé qu’à Cambrai les confiseurs n’étaient point si bêtes que ça. Toi-même, Snobinet, tu as bu du vin de Bordeaux et même de Bourgogne et tu as redemandé deux fois du Champagne.