Aller au contenu

Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ccxxv
ii. — histoire de charles martel

devant la royne quy en eust tout grant pitié que elle plus ne pouoit : « Lasse ! » fait elle, « mon chier seigneur, vous voulez ainsi eslongier d’icy sans moy, quant si longuement et jusques aujourd’uy vous ay tenu tant bonne compaignie ».....

Ainsi comme la se doulousoient le duc Gerard et la duchesse, vint devant la royne ung escuier de moult bonne part, lequel estoit filz d’un ancien preudhomme et vaillant chevallier nommé Begon de Valaloy ; et se faisoit son filz appeller Bertran de Valaloy[1], quy de loyaulté, de preudhommie et de bonté estoit duit et asseuré par nature a enssieuvir les meurs et les (vo) conditions de son pere Begon, et dist a la royne par trés grant sens : « Madame, je viens vers vous privéement pour mon cousin Gerard qui cy est aidier de tout mon pouoir a saulver se je pouoie. Et sachiés que le roy est tres mal meu par l’enhort de son conseil qui traitte avecques luy de la mort du conte Fourques et de la sienne niepce, dont a paines se pourra garder se brief vous n’y remediés, car les parens du duc d’Ardenne en sont de ceste heure a conseil, duquel je me suy party hastivement pour vous en venir advertir. » Si fut le noble duc de ces nouvelles plus doulant que par avant[2], et moult en remerchia son cousin, priant humblement a la royne qu’elle le voulsist de leans delivrer. — « Certes, sire Gerard », fet elle, « non feray. Et ja n’aiés paour, car, maulgré tous voz ennemis, je vous remettray en vostre seignourie, puisque le roy m’a le don de vostre paix ottroié, et bien en est en moy par les manieres que vous orrez, et sanz ce que le roy ne autre m’en sceüst reprendre. Vray est que ja piecha fut au roy et a moy par pelerins rapporté et certiffié pour verité que vous estiés mort. Si demanday au roy le douaire de ma suer quy est icy, pour lequel il me donna Roncillon et tout le païs, Montargon, Dijon, Chastillon, Vaulcoulour[3] et plusieurs autres places fortes assez, lesquelles j’ay tous jours depuis tenues en ma main, les ay fournies de gens quy y sont pour moy et qui, sans nulle contradiction, seront a mes commendemens obeïssans. Si vous y

  1. Cf la chanson, fin du § 551.
  2. Cf. § 554.
  3. Même énumération au § 553 de la chanson.