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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/264

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girart de roussillon

pierres précieuses, et dit à chacun : « Prends-en à ta volonté. » Il leur met au cou des peaux zibelines et leur donne des anneaux et des boutons, des étoffes neuves de pourpre, de samit, de soie ; il leur remplit leurs sacs de thériaque et de baume. Celui qui moins en emporta fut le plus mal avisé, et cependant son don valait en France cent mille sous[1].

21. L’empereur à la tête chenue. Jamais je n’ai vu, jamais je ne verrai si beau vieillard[2]. Il a sens, largesse et abord agréable. Lorsqu’il eut accompli tous les désirs des barons, lorsqu’il leur eut fait montrer par ses magiciens de tels jeux que le plus savant en était émerveillé, il donna à ses filles abondance d’or, de besants, de drap de soie, de pailes... ; deux mille chameaux chargés et amblants ; à chacune quatre éléphants chargés de vaisseaux ciselés d’or massif ; il leur donna des lions..., des dragons enchaînés fiers et volants, des alérions[3] mués... Puis les Français relèvent les pa-

  1. Les immenses richesses de Constantinople étaient célèbres dans tout l’Occident et n’ont pas peu contribué à faire dévier vers l’empire grec la croisade de 1204. Les historiens occidentaux des croisades racontent avec admiration les traits de largesse des empereurs grecs, voy. par ex. Albert d’Aix II, xviii, xix, Ernoul, éd. de Mas Latrie, p. 59. L’imagination populaire arrivait à peine à dépasser la réalité, voy. dans la Knytlinga saga la scène de l’arrivée de Sigurd à Constantinople, Riant, Scandinaves en Terre-Sainte, p. 197, et les étonnants récits de l’ancien poëme français connu sous le titre de Voyage de Charlemagne à Jérusalem.
  2. La note personnelle, très-rare dans les chansons de gestes françaises, est assez fréquente dans Gir. de Roussillon. Ce passage et quelques autres semblent indiquer que le poète avait été à Constantinople et qu’il parle de visu.
  3. Ici et plus bas, le texte porte aurion ; alérion, terme qui s’est conservé dans la langue du blason, est une autre forme du même mot. Un exemple de Jean de Salisbury, cité par Du Cange (alario), donne l’idée que l’alerion était une grande espèce d’aigle. Mais le dernier éditeur de Du Cange a déjà remarqué que ce passage de J. de Salisbury paraissait corrompu. M. Littré le croit correct, et de ce qu’alérion est un mot dont l’existence est d’ailleurs prouvée, il conclut qu’alario doit être conservé dans le texte cité. La conclusion n’est pas rigou-