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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/280

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girart de roussillon

de rendre le château ou plein la main de ma terre ! — C’est bien, » dit Bernart, et il s’en retourne.

56. Bernart s’en retourne et se rend droit à la tente du roi. Et Charles lui demande en le voyant : « Dis-moi, Bernart, qu’as-tu entendu ? Malheur à toi si tu mens ! — Que Roussillon est véritablement un aleu : son père n’a jamais servi personne, et il ne vous servira pas non plus. » — À ces mots, Charles Martel se courrouça : de douleur et de rage, il devint tout noir. Il a mandé ses clercs, écrit ses brefs ; de France, d’Auvergne[1], de Berry, il réunit plus de barons qu’on en vit jamais pour marcher sur Girart le comte, le hardi guerrier. Ils tinrent le siége tout un été. Un matin, au point du jour, ils assaillirent Roussillon. Mais Girart ne s’oublia pas, et pas un de ses hommes ne lui fit défaut. Ils sortirent quatre cents, armés de hauberts et de heaumes, et aux grandes barrières[2] ils tuèrent tant de leurs adversaires que des ruisseaux de sang coulèrent par le camp, et si Charles avec les siens l’attaqua, cette première fois il n’eut pas à s’en féliciter.

57. Girart leur a tué maint franc damoiseau ; il rapporte son gonfanon rouge de sang, qui lui coule le long de la hampe jusqu’au pied[3]. Tous ses hommes en sont émerveillés. Il regarda à droite par les champs : il n’y a chevalier qui ait sur la tête autant de cheveux qu’il vit reluire de heaumes au soleil. Il entra au château, sous un tilleul ; fermant après lui toutes les portes, et réunit en conseil ses meilleurs amis : « Écoutez-moi, Armant de Monbresel[4] : Boson, Fouque et Seguin sont mes fidèles : ils vont parcourir ma terre, rassemblant mes amis. Si Charles me guerroie, je ne m’estimerai pas un

  1. D’Allemagne, selon P. (v. 289).
  2. Il s’agit probablement de retranchements du camp de Charles.
  3. Il portail sans doute la lance appuyée sur le pied.
  4. Ou « de Mon Espel », dans P. Ce personnage qui ne reparait plus dans la suite, a probablement été inventé pour le besoin de la rime.