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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/311

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girart de roussillon

cheval. Pour donner un riche conseil, on ne connaît pas son pareil. Sire, faites-lui bon accueil, sans rancune. Ses logis sont déjà pris au Bourg ; là descendra le comte à son hôtel, puis il viendra vers nous au perron gris, devant votre chapelle de Saint Marcel. Qu’il ne vous trouve point trop dur à recevoir les otages ! » De colère le roi ferma les yeux : « Seigneurs, moi et Girart sommes donc égaux ? Je passerais la mer dans un navire ; je serais sept ans ermite en une forêt, avant que vous me mettiez sous ses pieds[1] ! »

111. Laissons le conseil que le roi n’accueille pas. Ses barons lui retracent le grand orgueil [qu’il a montré] quand il prit de Roussillon le donjon élevé. De la colère qu’éprouve le roi, ses yeux se ferment : « Seigneurs, or, écoutez ce que je veux dire : de la perte que j’ai subie j’éprouve une vive douleur. Voyez-vous par ces prés cette forêt de lances, ces hauberts, ces lances ? Avec tout cela, je ferai à Girart deuil et tourment. Ne croyez pas que je lui laisse sa terre ! Je ne laisserai subsister ville sur sol ni arbre fruitier que je ne déracine, de sorte que branches et feuilles s’en dessècheront. » Et Thierri répondit : « Roi, Dieu t’affole ! »

112. Ce dit le duc Thierri : « Mal nous est pris quand Charles, par ruse, nous demande conseil. Malheur à qui le conseillera de tout ce mois ! Ce n’est pas droit que je veuille du bien à Girart : son père [Drogon] et son oncle, le comte Odilon, m’enlevèrent jadis ma terre et mon pays ; sept ans, j’ai été proscrit, vivant dans les bois épais, travaillant de mes mains pour vivre, quand le

  1. Je traduis d’après Oxf. : Que vos ja me metez en escabau, vers où, si je comprends bien, se trouve la même figure que dans ce verset : Donec ponam inimicos tuos scabellum pedum tuorum (Act. ii, 35) ; la leçon de P. (v. 1188) est moins nette : Que ja vos mi metatz ab lui cabau ; ce qui semble vouloir dire : « Que vous me mettiez chef (cabau captal) avec lui », c’est-à-dire « de pair avec lui », ou encore, en rapportant cabau à lui, « avec lui pour chef », c’est-à-dire au-dessous de lui.