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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/343

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girart de roussillon

rangeaux, les Flamands de Baudouin[1]. Les hommes de Girart ne le leur cèdent en rien : Boson, Fouchier, Fouque, Seguin conduisent leurs enseignes à travers le bois de frêne. Le bois dont je vous parle est un bois où les frênes avaient pour fleurs des pointes d’acier, des enseignes de cendé et d’aucassin[2], des gonfanons ornés d’orfrois et fraîchement teints en pourpre, dont tant de nobles vassaux reçurent le coup fatal. Girart eut la rage au cœur : il mit pied à terre sous un pin, et ficha son enseigne près d’un bloc de marbre ; c’était une ruine antique du temps du vieux Douvin[3], qui eut jadis un château construit sur la rivière et entouré d’eau. Louis[4] le détruisit un jour quand il le déposséda de cette terre[5]. Girart monte sur la ruine du grant Douvin : dans sa colère il maudit le roi Charles : « Ah ! roi, Dieu te confonde, cœur de mâtin ! »

156. Excités par Girart, ses hommes résistèrent de pied ferme sans qu’aucun d’eux reculât. Écoutez ! Voici l’ar-

  1. Six comtes de Flandre ont porté ce nom du ixe au xie siècle.
  2. De cendaz e d’aucassin, Oxf. ; le vers manque dans P. ; le cendat, en français cendé, est une étoffe de soie, voy. Du Cange, cendalum, cendatum, Diez, Wœrt., I, zendalo. L’aucassin était aussi une étoffe de soie : alchaz est cité par Du Cange d’après une ancienne charte écrite en Espagne, et expliqué par l’arabe khazz, « sericum grossius. » C’est proprement la soie écrue.
  3. Un perrun d’anti tans del viel elfin, Oxf., la leçon de P. est visiblement corrompue ; plus loin Girart puie au perrun le grant douuin Oxf., ... lo gran devi P. (v. 2047). Le viel elfin du premier vers et le grant douuin du second désignent vraissemblablement le même personnage, mais je n’oserais dire qu’il s’agisse, comme le suppose M. Chabaneau (Revue des langues romanes, VIII, 229) d’un dauphin : ce mot, en tant que titre féodal, n’apparaît pas avant 1140 (voy. Du Cange, delphinus) et l’origine en est incertaine. L’allusion que renferme ce passage m’est tout à fait obscure.
  4. Celui de qui il est question aux §§ 101 et 107 ?
  5. D’iquel aisin Oxf. ; aisin peut signifier « ainsi », mais je ne sais si ce ne serait pas un dérivé de agicis, aicis, qui paraît avoir été dans le midi l’équivalent de vicaria, voy. Du Cange, aiacis.