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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/351

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girart de roussillon

Charles jura par la Mère de Dieu, qu’il aimerait mieux être enterré que de demander un accord qui serait sa honte, « Car si Girart me refusait par rancune, alors je serais honni et avili. — Sire, si Girart refuse comme tu dis, c’est de son côté que sera le tort et que le droit aura été mis en oubli. Tu auras accompli notre désir ; dès lors nous t’aiderons de bon cœur et celui qui mourra pour toi n’aura pas succombé pour une mauvaise cause[1]. » La démarche fut adoptée et le messager choisi : ce fut Tibert de Vaubeton, le vieillard gris, qui parlait bien et sagement. Il avait jugé selon le droit en mille causes, sans avoir été contredit ni démenti une seule fois. C’est lui qui fournira le message. Mais, quoi qu’il advienne de l’accord, Vaubeton ne demeure pas moins couvert de morts, et cent mille dames sont veuves de leurs maris.

172. Tibert mena avec lui Garnier de Blaye, cousin germain de Girart et fils d’Araive[2], mais il était homme lige de Charles pour le fief de son aïeul. Monté sur un cheval gascon, il passa par-dessus les corps de mille damoiseaux frappés par l’épée, et parla à Girart en homme sage.

173. Girart était debout, triste et soucieux, quand il vit devant lui les deux messagers. Garnier parla le premier en preux damoiseau : « Girart, fais droit et prends-nous[3]. » Et le comte répondit plein de colère : « Je vous en jure le Père glorieux, que si un autre que vous m’était venu apporter ce message, je lui aurais fait couper pied ou poing. Il m’a tué mon père, ce roi...[4], et maintenant il me propose un

  1. Non er peritz ; il y a là une idée religieuse : perir indique la mort de l’âme, voy. Du Cange peritio ; mourir pour une bonne cause était assimilé au martyre ; voy. p. 83, n. 3.
  2. Plus loin, § 175, « Garnier le fils d’Aimon ».
  3. À titre d’ôtages.
  4. Reis de soudoz Oxf., reis de sotos L., rei dissopdos P. (v. 2314), je ne sais ce que cela veut dire.