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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/443

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girart de roussillon

383. La bataille commença le long de la rivière, au port. On n’y observa aucune mesure[1], on ne consulta ni augure ni sort[2]. Droit et tort furent confondus. Ne croyez pas que personne se retienne de frapper : on cherche par tous les moyens à se donner la mort. Ceux qui conservèrent le champ de bataille, les plus forts, n’y gagnèrent pas de quoi se consoler de leurs pertes, car il n’en est aucun parmi eux qui ait été assez épargné pour n’avoir pas lieu de s’affliger.

384. Le port a nom Civaux, sur la Vienne[3] ; la rivière était tranquille, le terrain uni. Le soleil était chaud : c’était au mois de mai, à midi. Là vous auriez vu tant de damoiseaux mettant tous leurs efforts à frapper et à tuer. Vous en verriez mille étendus pâles, dont le plus âgé n’avait pas trente ans et était sans un poil blanc. C’est là qu’on réveilla le souvenir de la quintaine où moururent les deux fils de de Thierri, le duc d’Ascane. Ainsi la haine s’envenime et le mal s’accroît.

385. Voici par le champ Begon de Val Olei, qui appelle Pierre de Mont-Rabei. Et Pierre lui répond : « Je vous vois bien. » Ils piquent des deux et se frappent. Il n’y a si fort écu qui ne se brise ; les quatre côtés des hauberts sont faussés. Ils s’abattent l’un et l’autre en un chaume, et si Begon

    être très loyaux ni très vaillants. Voir, pour les Lombards, les textes réunis par M. Fr. Michel, Guerre de Navarre, p. 484, et par M. Tobler, Zeitschrift für romanische Philologie, III, 100-1 ; pour les Gascons, voir ci-dessus, § 877.

  1. Cela veut dire, je suppose, que l’on se battit avec acharnement, sans tenir compte des usages généralement observés dans les combats.
  2. Cf. p. 183, n. 4.
  3. Sivaus Oxf., Sivax P. (v. 5100) ; Sival au cas régime, §§ 375 et 390. C’est, selon M. Longnon (Géographie de la Gaule au vie siècle, p. 577), Civaux, Vienne, arr. de Montmorillon, canton de Lussac, village situé, en effet, sur la Vienne, et près duquel existent de nombreux sarcophages de pierre où l’imagination populaire voyait la trace d’une bataille sanglante. Civaux est à 27 kil. environ du S.-E. de Poitiers. On verra au § 398 que le lieu de la bataille n’était pas éloigné de cette ville.