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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/468

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girart de roussillon

agirai-je maintenant à l’égard de Charles, mon seigneur ; comment dois-je me comporter envers lui ? » Fouque, qui est sage, répondit le premier : « Sire, prenez un messager qui soit preux et courtois ; demandez merci au roi. Vous lui rendrez tout ce que vous lui avez pris ; de plus, nous lui donnerons le meilleur de ce que nous possédons, pour que la rancune et la guerre prennent fin. S’il refuse, vous vous en soucierez peu, car je ne vous abandonnerai pas, quoi qu’il arrive. »

458. Girart suivit le meilleur conseil, celui que lui donnèrent ses hommes. Il ne voulut pas envoyer à Charles un homme de haut rang : il savait quelle rancune la guerre avait fait naître, mais il envoya au moutier Saint-Sauveur et fit venir le prieur : « Moine, vous irez trouver mon seigneur, le roi Charles-Martel, l’empereur, et demandez-lui humblement de me rendre sa confiance et son amitié. » Le moine s’empresse d’accomplir le message : jamais, jusqu’à ce moment, il n’avait une peur comme celle qu’il éprouva.

459. Charles était à Roussillon, sous un orme ; vous l’auriez vu se tenir debout, dépité, triste, morne. Voici que se présente à lui le moine, suivi d’un serviteur : il prononce sa bénédiction......[1].

460. Mais le roi n’est pas en train de parler : il se borne à lui demander son nom : — « Sire, j’ai nom frère Bourmon. C’est Girart, votre homme qui m’a envoyé vers vous. — Comment as-tu osé venir !

461. — Sire, Girart m’envoie de loin à vous. Il viendra vous faire droit d’une façon complète, selon la décision de vos hommes et de vos barons, pourvu que vous le fassiez

  1. Dist benedicite e fait son torn. Le benedicite (voy. Du Cange à ce mot) est la formule de salutation du moine abordant un supérieur, mais j’ignore le sens des derniers mots du vers ; e pres son dorn, P. (v. 5881) n’est pas plus clair.