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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/500

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girart de roussillon

pagnons le font, Girart le porte et le vend. Vingt-deux ans il vécut ainsi jusqu’à un jour de carême prenant. Vassal qui doit quintaine[1] la rend ce jour-là. Ce fut le tour du comte Gontelme et du duc d’Aiglent[2]. Girart l’alla voir avec tout le monde ; il était à l’écart des autres, couché entre les bras de sa femme qui le tient cher. La dame vit les vassaux jouter ; et il lui souvint de longtemps, de la vie de Girart[3], qui avait coutume, lui aussi, de prendre part aux joutes. Elle eut telle douleur que pour un peu le cœur lui eût fendu. Les larmes lui coulent des yeux et tombent sur la barbe de Girart. Le comte se releva et dit sa pensée : « Dame, je sais maintenant qu’en ton cœur tu as du regret d’être avec moi. Va-t-en en France, dame, dès maintenant : je te jurerai sur les saints que jamais plus tu ne me verras, ni toi ni tes parents[4]. — J’entends là, » dit la dame, « des paroles d’enfant. Sire, pourquoi parlez-vous si méchamment ? Ne plaise à Dieu le tout puissant que je vous abandonne en mon vivant ! Certes, je sauterais plutôt en feu ardent ! » Et le comte la baisa sur-le-champ.

535. « Sire, si mon conseil était entendu, nous retournerions en France, où vous fûtes élevé[5]. Voilà vingt-deux ans que vous en êtes sorti, et vous êtes rompu et brisé par la peine. Si vous pouvez trouver l’impératrice, à qui vous fûtes jadis engagé[6], Charles son mari ne sera pas assez félon pour qu’elle ne trouve le moyen de ménager un accord qui vous sauvera. » Et Girart répondit : « C’est bien dit. J’irai là ; je suis prêt ».

  1. Voy. p. 1, n. 2.
  2. Voy. p. 221, n. 1.
  3. Ici s’ouvre dans L, par suite de l’enlèvement d’un feuillet, une lacune qui s’étend jusqu’au § 538.
  4. La rime, qui est en ent fait oublier à l’auteur que les parents de la comtesse sont à Constantinople et non en France.
  5. Cf. § 463, 467.
  6. Voy. § 37.