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Page:Meyer - Girart de Roussillon, 1884.djvu/546

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girart de roussillon

malheur : « Sire, tu n’es pas ainsi d’ordinaire. — Dame, promets-moi une chose. — Tout ce que tu veux, mais dis-moi la vérité. — Ne laisse pas paraître ta douleur pour ton fils : il est couché mort dans le puits de pierre ; fais le retirer et porter au moutier ! » La comtesse ne put supporter cette nouvelle ; elle s’évanouit. Le comte la releva, la fit asseoir : « Dame, cesse de t’affliger. Puisque Dieu n’a pas voulu laisser vivre notre fils, faisons de lui (Dieu), s’il lui plaît, notre héritier. Mieux vaut lui donner que garder à notre profit. — Dieu t’en donne le pouvoir et le loisir ! » répond la dame.

622. Sur ces entrefaites, Fouque a mis pied à terre devant le château, ayant laissé l’ost dans les plaines herbues. Il vient tout privéement chez le duc, entre dans la chambre et voit Girart et sa femme. « Sire, qu’avez-vous ? êtes-vous affligé ? — Beau neveu, oui, comme homme dolent et brisé. » Et il lui conta le malheur qui lui était arrivé. Fouque se signa, plein de douleur : « Si ce malheur est su au dehors, c’est une grande joie pour tous tes ennemis. Tu as toujours su te bien comporter dans tes revers, et, maintenant que tu as les cheveux blancs, tu dois mieux faire encore. De la reine t’est venue une lettre. Nous entendrons ce qu’elle dit et nous chercherons comment l’accord pourra se faire. » Il le prend par le bras, et le mène dehors. Girart baisa sa femme, muet de douleur.

623. « Girart, » dit la comtesse, « cher doux ami, pour Dieu laissez là toute votre douleur. Tu as tant perdu de puissants amis et de neveux, que jamais homme n’en a perdu autant ni de si vaillants. Je prierai Dieu d’entendre ma voix, et de faire que tu aies paix du roi et de tous les siens. » Sur ces paroles, le comte s’éloigna. Elle fit tirer son fils du puits et le fit porter au moutier par des clercs avec la croix. On le plaça sous le pavement du chœur.

624. Les comtes descendirent du château et entrèrent dans la tente de Fouque. Là ils trouvèrent le messager qui les a