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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/171

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ADA

rien, et furent réduits à l’esclavage. Les Anglais vivaient paisiblement, et les Otahitiens supportaient avec patience leur triste sort, jusqu’à ce que l’un des premiers, qui avait perdu sa femme par une mort subite, menaçât ses compagnons de les quitter s’ils ne lui en procuraient une autre. Les colons, jaloux de conserver cet homme qui était un habile armurier, lui donnèrent la femme d’un Otahitien, et dès lors les compatriotes de celui-ci méditèrent une vengeance sanglante. Un combat opiniâtre s’ensuivit, dans lequel plusieurs Anglais succombèrent. Cette inimitié dura jusqu’à la mort du dernier homme de couleur ; de sorte qu’en 1793, la population de l’ile se trouva réduite à Adams, trois de ses compatriotes, dix femmes d’Otahiti et quelques enfants. L’un des trois Anglais, qui était parvenu à distiller de l’eau-de-vie de la racine du ti (diacœna terminalis), perdit la raison à force de boire, et se précipita du haut d’un rocher dans la mer. Un autre, qui voulut s’emparer de la femme de son compatriote, fut tue parle mari. Ainsi, en 1799, il ne restait d’autres hommes à Pitcairn qu’Adams et un nommé Young. Les scènes terribles qui avaient eu lieu, et la perte de tous leurs amis, firent naître en eux de graves réflexions sur les devoirs qu’ils avaient à remplir envers la jeune génération. Dès lors ils commencèrent à célébrer régulièrement le service divin, à introduire dans les familles l’usage des prières du matin et du soir à enseigner aux enfants à lire et à écrire. Young, qui n’était pas dépourvu d’instruction, et qui, des 1793, avait tenu un journal de tout ce qui s’était passé dans l’île, montra un grand zèle dans cette louable tâche. Lorsqu’il mourut, en 1801, Adams se trouva seul chargé de l’administration de la colonie. Dans l’éducation des enfants, dont dix-neuf étaient alors âgés de sept à neuf ans, il fut secondé par les femmes otahitiennes, qui étaient d’un caractère très-doux et exécutaient ses ordres avec empressement. De cette manière, la petite colonie prospéra, et ses habitants formèrent une société heureuse et bien organisée. Des bruits vagues de l’existence de cet établissement étaient déjà parvenus en Angleterre, lorsqu’une frégate de ce pays, le Breton, qui à son retour du Chili, en 1814, toucha à Pitcairn, rapporta sur cette île des renseignements plus certains. À cette époque, la population était de quarante-huit individus. Le commandant de la frégate proposa à Adams de le ramener en Angleterre, et lui fit espérer le pardon de son attentat sur le capitaine Bligh ; mais les habitants vinrent se prosterner devant celui qu’ils appelaient leur patriarche, et le conjurèrent, les larmes aux yeux, de ne pas les quitter. Dans son troisième voyage autour du monde, le capitaine Otto de Kotzebue trouva, à Otahiti, une femme indigène qui avait habité Pitcairn, et qui attendait impatiemment une occasion d’y retourner ; elle fit le plus grand éloge d’Adams, et disait, dans son enthousiasme, qu’il n’y avait homme vivant qui pût lui être comparé. La même femme avait été chargée par Adams de prier les missionnaires d’Otahiti de lui envoyer quelqu’un qui fût capable de le remplacer un jour. Le capitaine anglais Beechy visita Pitcairn en 1825. Adams, qui était alors âgé de soixante ans, et très-vigoureux encore, vint à bord de son navire, le premier sur lequel il était monté depuis son arrivée dans l’ile. Ce qu’il y vit lui causa une émotion qui s’accrut par l’accueil familier que lui firent des hommes qu’autrefois il avait été habitué à regarder comme ses supérieurs. Adams avait conservé le costume, l’allure et les gestes d’un matelot anglais. Les jeunes gens qui l’accompagnaient, au nombre de dix, avaient une taille svelte, une physionomie douce et des manières décentes. Le nombre des habitants s’élevait déjà à soixante-six, et parmi eux il ne se trouvait que deux nouveaux venus. Depuis l’établissement de la colonie jusqu’à cette époque (1825), on comptait 52 naissances et seulement 8 décès naturels. Comme la population s’augmentait d’une manière si rapide, Adams craignit que la partie labourable de l’ile, qui comprenait seulement deux lieues carrées, ne devint insuffisante pour la nourrir, et il pria M. Beechy d’en instruire le gouvernement anglais. Sur ses instances et pour tranquilliser sa conscience, cet officier le maria, d’après le rite de l’Église anglicane, à une femme avec laquelle il avait vécu très-longtemps, et qui était alors aveugle et alitée. Un missionnaire anglais, M. Buffet, qui vint à Pitcairn en 1828, fut si charme de cette ile, qu’il résolut de ne plus la quitter. Cet ecclésiastique accepta, outre les fonctions de pasteur, celles de maître d’école. Au service divin, Adams récitait les prières, et Buffet lisait à haute voix un sermon qu’il répétait, selon les circonstances, deux ou trois fois, afin de le mieux inculquer dans l’esprit de ses auditeurs. D’après une lettre écrite par Buffet au capitaine Beechy, Adams est mort, par suite d’une courte maladie, le 5 mai 1829, à l’âge de 65 ans. Sa femme ne lui a survécu que de quelques mois. Le portrait de cet homme extraordinaire se trouve dans le Voyage à la mer Pacifique et au détroit de Béring, par Beechy, Londres, 1831, in-4o. Les événements à bord du Bounty, que nous avons rappelés dans le commencement de cet article, ont été décrits par M. J. Barrow, dans un ouvrage intitulé : Histoire de la révolte et de la prise du navire d S. M. Le Bounty, Londres, 1832, in-8o. M-a.


ADAMSON (Patrick), théologien écossais, né à Perth, en 1543, après avoir fait de bonnes études dans l’université de St-André, se fit maître d’école dans un village. Il accompagna ensuite en France le fils d’un gentilhomme, pour lui faire suivre l’étude du droit à l’université de Paris, qui attirait alors beaucoup d’élèves étrangers. À la naissance de Jacques Ier, Adamson publia un poëme latin dans lequel il donnait au prince nouveau-né le titre de sérénissime et très-noble prince d’Écosse, d’Angleterre, de France et d’Irlande. Cette dénomination choqua la cour de France, qui fit arrêter le poëte et le tint en prison pendant six mois. Lorsqu’il fut en liberté, il se retira avec son pupille à Bourges. Ce fut pendant son séjour dans cette ville qu’arriva l’horrible massacre de la St-Barthélemy. Les deux Écossais n’échappèrent à la prescription générale qu’en restant cachés dans un appartement de l’hôtellerie où ils étaient logés ; mais le propriétaire de la maison paya cher cet acte d’humanité : il fut dénoncé, et, quoique âgé