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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/260

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AGR

consul l’an 254 de la fondation de Rome, avec Publius Pusthumius Tubertus. Son collègue ayant été battu par les Sabins, Menenius Agrippa alla le secourir à la tête de toute la jeunesse romaine, et remporta une victoire complète, qui lui valut les honneurs du triomphe. Ce fut la première fois, depuis l’établissement du consulat, que la cérémonie du triomphe eut lieu à Rome. Dix ans après, éclatèrent entre le peuple et le sénat des dissensions funestes. Les plébéiens qui composaient l’armée, irrités des rigueurs que l’on exerçait contre les débiteurs, se retirèrent sur le mont qui reçut depuis le nom de Sacré. Menenius Agrippa fut député vers eux avec neuf autres sénateurs, disposés ainsi que lui à accueillir les représentations du peuple. Ayant des hommes grossiers à persuader, et n’étant pas sans doute lui-même un grand orateur, il leur récita l’apologue des membres qui, ne voulant plus fournir de nourriture à l’estomac, s’aperçurent, par la langueur ou ils tombèrent, qu’en prenant ce parti ils se nuisaient à eux-mêmes. Frappée de la justesse de la comparaison, la multitude se calma ; mais elle obtint une partie de ce qu’elle demandait : les dettes furent abolies, et on institua cette magistrature du tribunat qui occupe une place si importante dans l’histoire de la république romaine. La personne des tribuns du peuple fut déclarée sacrée par une loi, avant que le peuple rentrât dans la ville. Ils ne furent dans l’origine que cinq, mais ensuite on en porta le nombre jusqu’à dix. Après avoir terminé par son esprit conciliant un soulèvement qui menaçait de détruire la république à peine affermie, Menenius Agrippa mourut très-âgé, et emporta l’estime de tous ses concitoyen ; mais il était dans un tel état d’indigence, qu’il ne laissa pas même de quoi payer ses funérailles. Ses parents allaient l’inhumer sans aucune pompe, lorsque le peuple s’y opposa, et se taxa à deux onces par tête. Alors le sénat déclara que ses funérailles seraient faites aux dépens de l’État, et le peuple, ne voulant point reprendre la contribution qu’il s’était volontairement imposée, en fit présent aux enfants de Menenius. D-t.


AGRIPPA (M. Vispanius), ne d’un Romain appelé Lucius, était, selon Suétone, d’une naissance peu relevée ; mais Cornélius Népos assure qu’il appartenait à une famille de l’ordre des chevaliers. Élevé avec Octave, il contribua plus que tout autre à l’accroissement de sa puissance, et en reçut des marques de gratitude qui firent de lui le second personnage de l’empire. Agrippa commença sa carrière politique en se chargeant d’accuser Cassius, lorsque, sur la demande d’octave, les assassins de César furent mis en jugement. Quand les dissensions entre Antoine et Octave commencèrent à éclater, Agrippa se signala contre Lucius Antoine, frère du triumvir, et délivra d’un péril imminent le corps d’armée de Salvidien, l’un des lieutenants de l’héritier de César. Après avoir été chargé de combattre Sextus, fils de Pompée, il se rendit dans la Gaule, dont il soumit les peuples qui avaient essayé de secouer le joug des Romains. Il passa même le Rhin, à l’exemple de César pour inspirer la terreur de ses armes aux peuples de la Germanie. Octave le nomma ensuite commandant général de ses flottes, et Agrippa commença par porter du secours à Cornificius, qui, enfermé par les troupes de Sextus Pompée, eût été obligé de se rendre ; il défit ensuite complètement son ennemi dans une grande bataille navale. Outre les prodiges de valeur qu’Agrippa fit dans cette journée, il dut principalement sa victoire à une machine de guerre qu’il inventa, et dont l’effet terrible fut de détruire presque tous les vaisseaux de Pompée. C’était ainsi qu’il préludait à cette journée d’Actium, où le sort de l’univers devait être décidé. La supériorité des manœuvres d’Agrippa, et l’inconcevable conduite d’Antoine, assurèrent un triomphe complet à l’heureux Octave. Cependant, après s’être montré si fidèle à sa cause, il n’hésita point à lui conseiller d’abdiquer et de rétablir la république, lorsqu’Auguste, devenu empereur, le consulta à ce sujet, ainsi que Mécène. Rien n’est plus connu que cette conférence, qui a fourni à Corneille l’une des plus admirables scènes de Cinna. En se déterminant à suivre le conseil de Mécène, qui s’accordait bien mieux avec ses sentiments secrets, Auguste n’en rendit pas moins justice à la franchise d’Agrippa. Pendant un voyage que l’empereur fit en Espagne, Agrippa, reste à Rome, orna cette ville de plusieurs monuments, tels que le Portique et le temple de Neptune, les bains qui portèrent son nom, et le Panthéon, qui subsiste encore. Auguste, attaqué d’une maladie grave, ne nomma point de successeur ; mais il remit publiquement son anneau à Agrippa, et les Romains en conclurent qu’il le désignait à leur choix, s’ils désiraient après sa mort être gouvernés par un seul homme. Nommé gouverneur de Syrie, Agrippa était déjà arrivé à Lesbos, lorsqu’il fut rappelé à Rome pour y exercer la dignité de gouverneur de la ville, qu’Auguste venait de créer spécialement pour lui. Quoiqu’Agrippa eût épousé Marcella, nièce du prince, Auguste la lui fit répudier ; et il lui donna pour femme sa propre fille Julie, si fameuse par ses dérèglements. Mécène avait porté l’empereur à cette démarche, en lui disant : « Vous avez rendu Agrippa « si puissant, qu’il faut ou le nommer votre gendre, « ou le faire mourir. » Agrippa fut ensuite envoyé en Gaule pour arrêter les incursions des Germains qui avaient passe le Rhin, et il y commit d’affreux légats. Les Germains se retirèrent à son approche, et il alla ensuite attaquer les Cantabres. Il éprouva une vigoureuse résistance de la part de ce peuple, qui, depuis plus de deux cents ans, bravait les armes de Rome. Cependant il parvint à le dompter, et un tel succès parut au sénat digne du triomphe. Agrippa eut la prudence de refuser cet honneur, pour ne pas exciter la jalousie d’Auguste. Il continua ensuite à multiplier dans la capitale de l’empire les établissements publics, et Rome lui dut surtout de magnifiques aqueducs, qui subsistent encore aujourd’hui. À cette époque, Auguste, pour ôter tout espoir aux partisans de la république qui existaient encore en petit nombre, partagea en quelque sorte le pouvoir suprême avec Agrippa, qui se montra de plus en plus digne d’une si haute fortune. L’an 740 de Rome,