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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/283

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AIG

cusés ; puis il publia, sur les débats de cette affaire et sur leur résultat, un écrit dans lequel il développait les motifs de sa conviction et justifiait la décision du jury. C’est ici que s’ouvre la série de ses différentes brochures politiques : 1° de la justice de la Police, ou Examen de quelque parties de l’instruction criminelle considérées dans leurs rapports avec les mœurs et la sûreté des citoyens, Paris, 1817, in-8o : c’est la brochure à laquelle avait donné lieu l’affaire de l’épingle noire. 2° De l’État des protestants en France, depuis le 16e siècle jusqu’à nos jours, avec des notes et des éclaircissements historiques Paris, 1817, in-8o. Cet écrit offre des recherches et des anecdotes. Mais plusieurs assertions hasardées et des erreurs de fait, échappés à l’auteur, prouvent qu’il n’avait étudié la matière que pour faire sa brochure. Les journaux de l’opinion opposée ne manquèrent pas de relever ces fautes avec amertume : la personnalité s’en mêla. Aignan avait établi une comparaison mal fondée entre la terreur de 1105 et le règne de Louis XIV. Au lieu d’accumuler les preuves contraires, on prétendit qu’un tel rapprochement était indigne d’un Français et d’un académicien. Aignan répondit, dans la Minerve, qu’il persistait dans son opinion, et annonça qu’il rassemblait des preuves historiques à l’appui de ce qu’il avait avancé. Benjamin Constant prit fait et cause pour son ami ; et comparant la rigueur des mesures adoptées contre les protestants par Louis XIV, non à tous les excès de la terreur, mais seulement aux lois rendues contre les émigres, il ramena cette question à son véritable point de-vue ; ce qui était non pas justifier Aignan, mais le corriger. Au reste, on peut voir dans sa seconde édition (Paris, même année) comment celui-ci essaya de répondre à ses adversaires, et principalement à un très-bon article d’Auger, inséré dans la 12e livraison du Spectateur politique et littéraire. 3° Des Coups d’État dans la monarchie constitutionnelle, Paris, 1813, in-8o (deux éditions). 4° Réflexions sur le dialogue du maire d’une petite ville et celui d’un villages voisin (ouvrage de M. Goupil, maire de Nemours), 1819, in-8o. 5° Histoire du Jury, volume in-8o, 1822. Dans cet ouvrage, qui a été traduit en espagnol et en allemand[1], l’auteur, voyant partout le jury, en va chercher l’origine jusque dans les temps les plus reculés ; et il remonte jusqu’au système judiciaire des Juifs, de la Grèce et de Rome. La politique n’absorbait pas tellement Aignan qu’il ne se livrât encore à des travaux littéraires importants, dont voici la liste : 1° Bibliothèque étrangère d’histoire et de littérature ancienne et moderne, ou choix d’ouvrages curieux, traduits ou extraits de diverses langues, avec des notices et des remarques, Paris, 1823—1824, 3 vol. in-8o. Cet ouvrage devait avoir six volumes ; la mort de l’auteur en empêcha la continuation. Le but de cette compilation vraiment curieuse était de peindre les mœurs des différentes époques par les écrits contemporains, et de faire voir que les hommes sont plus méchants et plus malheureux à proportion de leur ignorance et de leurs préjugés[2]. 2" Extraits des Mémoires relatifs à l’histoire de France depuis l’année 1767 jusqu’à la révolution, 2 vol. in-8o, Paris, 1825. Cette date indique un ouvrage posthume. Le tome premier de ce recueil, relatif à-l’histoire ecclésiastique de France (jansénistes ou jésuites), est d’Aignan, sauf l’introduction. Le second volume, relatif a l’histoire civile, est de M. de Norvins, 3° Œuvres complètes de J. Racine, avec les notes de tous les commentateurs, et des études sur Racine par Aignan, 6 vol. in-8o. Le premier volume avait été publié en avril 1821 ; la publication des autres ne fut pas interrompue par la mort de l’éditeur, dont le manuscrit était entièrement achevé. 4° Œuvres complètes de J.-J. Rousseau en 21 vol. in-8o ; douze volumes avaient paru avant la mort d’Aignan. Il était collaborateur de la Revue encyclopédique et de la collection publiée, en 1821 et années suivantes, sous le titre de Chefs-d’œuvre des théâtres étrangers. Il a rédigé, pour la Nouvelle Encyclopédie de M. Courtin, l’article Bardes, dont il a fait tirer à part un certain nombre d’exemplaires. Aignan s’occupait en outre avec ardeur à traduire en vers l’Odyssée. Il avait compose une Histoire ancienne en quatre volumes, laissée en manuscrit, et dont le libraire Audin est propriétaire. Son éloge, comme académicien, a été prononce deux fois par Auger, secrétaire perpétuel, d’abord aux funérailles, en second lieu le 25 novembre 1824, à la réception de M. Soumet, son successeur. D-r-r.


AIGNAUX (Robert et Antoine le Chevalier, sieurs d’). On doit réunir sous le même article ces deux frères, que rien ne put séparer pendant leur vie, et qui confondirent toujours leurs études, leurs travaux et leurs succès. Ils naquirent à Vire, en Normandie, vers le milieu du 16e siècle, La protection que François Ier avait accordée aux beaux-arts en répandait le goût jusque dans le fond des provinces. La Normandie se distinguait dès cette époque par son zèle pour les bonnes études ; les deux frères d’Aignaux en firent d’excellentes. Ils se livrèrent, d’abord à Paris et à Poitiers, à l’étude des lois et de la médecine ; mais, abandonnant bientôt des professions qu’ils n’avaient embrassées que par raison, ils revinrent, dans le fond du Bocage normand, cultiver dans la retraite leur talent pour la poésie. Des infirmités longues et douloureuses firent souvent obstacle, à leurs travaux, et avancèrent le terme de leur vie. Tous deux moururent jeunes, Robert à 49 ans, et son frère deux ou trois ans après lui. Les traductions de Virgile et d’Horace en vers français sont les deux ouvrages qui ont plus contribué à leur réputation. Ils exécutèrent ensemble ces entreprises avec beaucoup de zèle, mais avec trop de rapidité. Leur traduction de Virgile est la première complète de ce poëte en vers héroïques ; et, ce qui

  1. Dans un ouvrage périodique intitulé Thémis, et publié à Strasbourg en 1823.
  2. Auger, dans l’éloge académique d’Aignan, caractérise ainsi ce travail : « La littérature du moyen âge lui ouvre ses obscurs archives ; et on le vit en extraire avec discernement, et présenter au public étonné, de ces vieux monuments de la pensée, dont notre ignorance a fait des nouveautés. »