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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/286

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AIG

AIGUILLON (Armand-Louis de Vignerot, duc d’), né en 1683, était petit-neveu de-Marie-Madeleine de Vignerot-Duplessis-Richelieu (Voy. Aiguillon), et neveu de Thérèse, décédée religieuse en 1705, et qui ne fut jamais titulaire du duché d’Aiguillon que lui avait légué sa tante, avec substitution en faveur d’Armand-Louis, dont il s’agit ici. ─ Lui-même ne fut d’abord connu que sous le titre de marquis de Richelieu ; il prit celui de duc d’Aiguillon, lorsque cette pairie eut été établie en sa faveur, en 1731. Il mourut le 31 janvier 1750. C’est à lui, et non à son fils, ministre sous Louis XV, que l’on doit attribuer les publications suivantes : 1° Recueil de pièces choisies, rassemblées par les soins du cosmopolite Ancône, Vriel B...t, 1735, in-4o, tiré à sept exemplaires seulement ; il l’avait imprimé lui-même dans sa terre de Verret, prés de Tours. Quelques personnes en ont fait honneur à la princesse douairière de Conti. C’est une collection des pièces les plus impies et les plus libres connues alors. L’épître dédicatoire et la préface sont de Moncrif. 2° Suite de la nouvelle Cyropédie, ou Réflexions de Cyrus sur ses voyages, Amsterdam (Rouen), 1728, in-8o. Le duc d’Aiguillon eut pour collaborateurs de cet ouvrage la princesse de Conti, l’abbé Grécourt et le P. Vinot. de l’oratoire. Il avait épousé, le 12 août 1718, Anne-Charlotte de Crussol de Florensac. On a de cette dame : 1° une traduction de l’Épitre d’Héloïse à Abailard, de Pope (Paris, 1758, in-8o Tilliard), précédée d’un Abrégé de la vie d’Abailard, par Marin. Fréron dans le compte qu’il rendit de cet ouvrage, Année littéraire, 1758, t. 4, dit « J’ignore de quelle main, ou plutôt de quel cœur, est cette traduction ; mais seulement que M. Marin en est l’éditeur. » Fréro était probablement plus instruit qu’il ne voulait le paraitre. 2° Carthon, poëme traduit de l’anglais de Macpherson, par madame *** (la duchesse d’Aiguillon et Marin). Cette dame, qui mourut d’apoplexie dans son bain, en juin 1772, conserva jusqu’à la fin de sa vie une sorte de fraîcheur et de l’embonpoint. Elle avait une physionomie douce et qui prévenait en sa faveur, tellement qu’à la cour on l’appelait la bonne duchesse d’Aiguillon, réputation usurpée, si l’on en croit les mémoires du temps, car la maréchale de Mirepoix disait « qu’une caresse de la duchesse douairière d’Aiguillon était aussi dangereuse qu’une morsure du duc d’Ayen. » A. L-d.


AIGUILLON (Armand-Vignerot-Duplessis-Richelieu, duc d’), fils du précédent, naquit en 1720, et parut jeune, avec beaucoup d’éclat, à la cour de Louis XV. Ce monarque, épris de la duchesse de Châteauroux, sut qu’elle aimait le duc d’Aiguillon ; voulant éloigner ce rival, il l’envoya à l’armée d’Italie. D’Aiguillon se distingua, en 1742, à l’attaque de Château-Dauphin, ou il fut blessé ; mais ce fut moins à ses services militaires qu’à la faveur de la cour qu’il dut d’être nommé successivement gouverneur d’Alsace, et commandant de la Bretagne. Protégé par le dauphin, fils de Louis XV, il se montra constamment opposé au duc de Choiseul, alors premier ministre. Il manifesta son opposition en se faisant le chef du parti des jésuites, dont ce ministre venait de provoquer la suppression. L’administration arbitraire et malhabile du duc d’Aiguillon exalta le mécontentement du parlement de Bretagne ; cette compagnie ayant résisté à quelques édits bursaux, le gouverneur déploya dans cette province un appareil et une sévérité militaire qui excitèrent contre lui la haine de la population. En 1758, pendant la guerre de sept ans, les Anglais, ayant fait une descente sur les côtes de Bretagne, furent défaits a St-Cast et forcée à se rembarquer. Le danger passé, les Bretons accusèrent d’Aiguillon de les avoir abandonnés au moment de l’action, et de s’être tenu caché dans un moulin pendant qu’on se battait. La Chalotais, procureur général du parlement de Bretagne, se permit à ce sujet des plaisanteries offensantes qui ne se pardonnent point, et écrivit dans une lettre qui eut trop de publicité : « Si notre général ne s’est pas couvert de gloire, il s’est du moins couvert de farine. » Acharnés contre leur commandant, les Bretons lui reprochèrent son faste, et l’accusèrent d’exaction et d’infidélité. Dans plusieurs provinces, l’autorité militaire, déjà aux prises avec la magistrature, avait eu le dessous ; ces succès augmentaient en Bretagne l’audace du parlement ; il informa contre le gouverneur et sollicita son rappel. Le duc d’Aiguillon était en même temps foncé de lutter contre le premier ministre ; mais il brava l’orage, et accusa a son tour le procureur général d’un complot tendant à renverser les lois de la monarchie. La Chalotais, poursuivi, emprisonné, enlevé à ses juges naturels et traduit devant une commission, devint l’idole du parti des parlements : le tumulte redoubla en Bretagne, l’esprit de sédition commença à se manifester, et on insulta à un simulacre de parlement formé par d’Aiguillon. Le parlement de Paris prit la défense de la Chalotais et de ses coaccusés, et fit suspendre les pouvoirs de la commission. En 1766, le parti de la cour obtint un édit qui supprimait la procédure et condamnait les inculpés a l’exil. Cependant les partisans de d’Aiguillon, charmés de sa fermeté, annonçaient qu’on verrait renaître en lui le cardinal de Richelieu son grand-oncle, et l’opposaient sans cesse au parti des Choiseul qui gouvernait alors. Le duc, encouragé par ces éloges, entreprit de dépouiller le parlement et les états du plus précieux de leurs droits, de celui de fixer et de lever l’impôt. Cette tentative porta à son comble l’irritation des esprits et donna lieu à des plaintes plus énergiques. Le gouverneur fut rappelé et l’ancien parlement rétabli. Louis XV, laissant se ranimer une affaire qu’il avait voulut étouffer, parut céder aux plaintes que la magistrature renouvelait contre d’Aiguillon ; le procès fut évoqué au parlement de Paris ; et cette cour, s’étant déclarée contre l’accusé, menaça de le frapper judiciairement. Tout se réunissait pour le perdre ; il recourut alors à la protection de la comtesse Dubarry, qui venait de succéder à madame de Pompadour. Fort d’un appui si peu honorable, il obtint un ordre du roi qui supprimait la procédure. Le parlement, irrité, parut alors excéder