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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/293

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AIM

Serna, n° 6151.) Il mourut à Ferrare en 1790[1], a l’âge de 84 ans, dans de grands sentiments de piété. Doué d’un esprit fin et judicieux, le P. Aimerich joignait a l’érudition la plus vaste, le talent, qui devient de plus en plus rare, d’écrire en latin avec élégance et pureté. Outre des ouvrages de philosophie scolastique, quelques opuscules ascétiques et des harangues dont on trouvera les titres dans le Supplement. Biblioth. soc. Jes du P. Caballeto, 77, 78, on a du P. Aimerich : 1° Nomina et Acta episcoporum Barcinonensiusm, Barcelone, 1760, in-4o. 2° Qutinti Moderati Censorini de vita et morte linguæ latinæ Paradoza philologica, criticis nonnullis dissertationibus exposita, asserta et probata, Ferrare, 1780, in-8o. Cet ouvrage est annoncé dans le Catalogue de la Sema (n° 6086), comme tiré à un très-petit nombre d’exemplaires. Il est rare en France. 3° Relations autentica dell’accaduto in Parnasso, ibid., 1782, in-8o. C’est une défense de l’ouvrage précédent, qu’avait critiqué vivement le comte Louis Vanetti, caché sous le masque de Lagarini, academico occulto. Le P. Aimerich, feignant de n’avoir pas reconnu son censeur, le railla à son tour d’une manière très-piquante. 4° Specimen vetetris romanæ litteraturæ deperdita vel adhuc latentis, seu Syllabus historicus, etc., ibid., 1784, in-4o. 5° Novum Lexicon historirum et criticum antiquœ romanœ litteraturœ deperditæ vel latentis, ac Romanorum eruditorum qui ea florueruni ab urbe condita ad Honorii Augusti interitum : accedunt dissertationes et multa corollaria, Bassano, 1787, in-8o. Cet ouvrage, qui a fait la réputation du P. Aimerich, est la suite et le complément du précédent, auquel les amateurs le réunissent. Il a laissé manuscrit un supplément à son dictionnaire, ainsi que plusieurs discours latins. W-s.


AIMERIC (de Péguilain), troubadour du 13e siècle, était fils d’un marchand de drap de Toulouse. L’amour, en lui inspirant des vers pour une belle Toulousaine, lui révéla son talent pour la poésie. Malheureusement la dame de ses pensées avait un mari peu facile ; Aimeric, insulté par lui, blessa son adversaire d’un coup d’épée. Forcé de fuir, il chercha un asile auprès de Guillaume de Bergedan, qui tenait en fief la ville de Berga. Ce seigneur l’accueillit d’autant mieux qu’il était poëte lui-même ; il lui fit présent d’un palefroi, de riches habits et le présenta à Alphonse IX, roi de Castille, qui goûta ses vers, et lui donna des marques de son estime et de Sa générosité. Ces faveurs du prince n’effacèrent point l’aimable Toulousaine du cœur de Péguilain. Il était depuis plusieurs années éloigné d’elle, lorsque ayant appris un jour que son mari était en pèlerinage à St-Jacques de Compostelle, il résolut de mettre à profit l’occasion qui lui était offerte de revoir sa dame. Alphonse, voulant se divertir de cette intrigue, forma au troubadour amoureux un cortège d’hommes déguisés en gardes et en chevaliers. Aimeric, arrivé à Toulouse, fit annoncer sa belle maitresse qu’un parent du roi d’Aragon faisant un pèlerinage était tombé malade en route, et lui demandait un asile. La réponse de la dame ne pouvait manquer d’être favorable. Aimeric, prétextant qu’il n’était pas en état de quitter son appartement, la fit prier de venir le voir. Elle le reconnut sur-le-champ, et feignant de· relever les draps du lit, elle se baissa et lui donna un baiser. Après dix-jours de bonheur, le faux prince de Castille prit congé de son hôtesse et continua son voyage vers la Provence. À Montpellier, il congédia son escorte et prit la route d’Aix, où il fut bien reçu du comte Alphonse II et de Garsende. de Sabran, sa femme. Ce fut là qu’il se lia avec Blacas, baron puissant et poëte renommé. D’Aix, il se rendit à Montferrat, chez Boniface III. Foulques de Neully prêchait alors la 4e croisade. Notre troubadour adressa aux Italiens un sirvente ou il les exhortait à s’armer pour la défense des lieux saints. Ses chants ne restèrent pas sans effet ; un grand nombre de barons se croisèrent, et Boniface, qui avait déjà pris une part glorieuse aux guerres saintes, accepta le commandement en chef de l’expédition. Péguilain passa ensuite à la cour des seigneurs de la maison d’Est, qui avait alors pour chef Azon VI, et obtint aussi les bonnes grâces des seigneurs Malaspina. L’Italie et l’Allemagne étaient à cette époque agitées par la querelle d’Othon IV et de Frédéric II. Aimeric, plein d’admiration pour le caractère héroïque du jeune roi de Naples, lui adressa, en 1213, un sirvente dans lequel il lui témoignait les espérances que faisaient concevoir au monde sa vaillance et ses vertus. Notre troubadour habita l’Italie depuis 1201 jusqu’à sa mort, qui eut lieu vers 1255. Pendant ce long intervalle, il ne cessa pas de chanter, et sa voix se mêla à tous les grands événements dont l’Italie et le midi de la France furent le théâtre. Il entretint une honorable correspondance avec les plus illustres personnages de son siècle, et paya à ceux auxquels il survécut le tribut poétique de ses éloges et de ses regrets ; la mort d’Alphonse IX, le plus ancien de ses protecteurs ; de Guillaume de Malaspina, préfet de Rome, et de Béatrix d’Est, sa femme, qu’il appelle beau modèle ; celle de Raimond Bérenger IV, comte de Provence, furent pour lui le sujet de complaintes qui sont aujourd’hui d’un véritable intérêt historique. Les malheurs de sa patrie, dévastée et ensanglantée par les bandes de Montfort, firent aussi couler ses larmes. Sa douleur et ses gémissements redoublèrent lorsque après le mariage de Marguerite, et de Béatrix, filles de Raimond Bérenger IV, avec St. Louis et son frère Charles d’Anjou fit passer la Provence à la France. « Dans la tristesse et dans les pleurs, dit-il, je « supporte malgré moi la vie, puisque la mort « ne peut pas m’en délivrer. Désormais ils vivront « dans la douleur les Provençaux ; car au lieu d’un « bon seigneur, ils vont avoir un sire..... Serfs des « Français, ni par droit, ni à tort, vous n’oserez « porter écu ni lance. » Aimeric de Péguilain fournit une longue et brillante carrière ; il chanta plus de cinquante ans, et sa muse, en vieillissant, conserva

  1. Et non pas en 1788, comme le conjecturait Barbier. l’article qu’il a donné du P. Aimerich, dans l’Examen critique des Dictionnaires, p. 13, est très-superficiel.