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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/308

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valeur. Il fut nommé l’un des grands de sa bannière, et mis successivement à la tête de plusieurs tribunaux. L’époque de sa plus grande gloire fut la réduction des Miao-ssé, peuples demi-sauvages.qui, concentrés dans les montagnes affreuses qui séparent les provinces de Se-tchouen et de Kouei-tcheou, bravaient depuis deux mille ans toute la puissance chinoise, qui n’avait pu ni les dompter, ni les détruire. Ils formaient, dans ces montagnes, toutes hérissées de rochers, coupées de gorges, de ravines et de précipices, deux petits États soumis à des princes particuliers ; ils connaissaient l’usage des armes a feu, avaient des villes, des places fortifiées, et descendaient souvent de ces hauteurs pour exercer le pillage dans la plaine et les campagnes voisines. Une armée de 40,000 Chinois, récemment envoyée contre ces barbares, venait encore d’être détruite. Cette défaite acheva d’irriter le monarque chinois, et lui fit prendre la résolution de déployer toute sa puissance pour exterminer ce féroce ennemi domestique. Il jeta les yeux sur Akoui, et le nomma général de cette expédition. Le choix d’un officier jusqu’alors subalterne, et qui n’avait point encore commandé en chef, étonna tout son conseil ; mais l’événement-prouva que ce choix était éclairé et réfléchi. Rien ne fut refusé au nouveau général ; il fut le maître de son plan, et eut la liberté de choisir ses troupes dans toutes les bannières. Son premier soin fut d’assurer ses vivres, et il pourvut à leur transport à bras d’hommes, seul praticable dans ces sites escarpés. Parmi ses munitions, il comprit une grande quarante de métal en lingots, pour fondre des canons sur les lieux mêmes. Le général Akoui pénétra dans les montagnes par les mêmes défilés que son prédécesseur ; mais il eut soin de s’emparer de tous les rochers voisins, en y faisant grimper des troupes, et de conserver toujours ses derrières libres. Les Miao-ssé sentirent, à ce début, à qui ils avaient affaire. Akoui ne précipitait rien ; il restait deux ou trois mois au pied d’un rocher ; et, s’il découvrait enfin un endroit tant soit peu accessible, il profitait de la nuit ou d’un grand brouillard pour y faire monter ses soldats et s’en rendre maître. Jamais il ne reculait ; chaque pas qu’il faisait en avant était une portion de terrain perdue pour l’ennemi. Ce fut en s’attachant à suivre avec constance ce plan d’opérations, que ce général parvint enfin à dompter ces sauvages montagnards, après les avoir forcés dans leurs retraites les plus profondes. Des deux princes qui les gouvernaient, l’un périt dans le cours de cette guerre, l’autre fut pris et conduit à Pékin, avec toute sa famille. Cette conquête fut terminée en 1776. Les Miao-ssé, pour défendre leur pays et leur liberté, montrèrent tout ce qu’on peut attendre de la valeur humaine ; les femmes elles-mêmes combattirent avec acharnement. On cite le trait suivant d’une de ces courageuses montagnardes. Depuis plus de deux mois ou employait la force et la ruse pour s’emparer d’un petit fort, bâti sur un roc très-élevé ; mais toutes ses tentatives des assiégeants restaient sans succès. Un jour, de très-grand matin, quelques soldats qui étaient de garde ayant entendu quelque bruit, tel que serait celui que fait une personne qui s’observe en marchant, s’approchèrent doucement ; ils crurent apercevoir quelque chose en mouvement ; deux ou trois des plus lestes, à l’aide de crampons de fer attachés à leurs souliers, grimpèrent de ce côté·la ; ils découvrirent une femme qui puisait de l’eau ; ils l’arrêtèrent ; elle fut sommée de déclarer quels étaient ceux qui s’obstinaient depuis si longtemps à défendre le fort. Elle répondit : « C’est moi. Je manquais « d’eau, je suis venue en chercher ici avant le jour, « et je ne comptais nullement vous y rencontrer. » Devenue leur captive, elle leur découvrit un sentier caché, par lequel elle les conduisit jusque dans le fort, où elle était restée seule, et dont elle composait réellement toute la garnison, tantôt tirant quelques coups de fusil, tantôt détachant quelques morceaux de rochers qu’elle précipitait sur les troupes, qui s’efforçaient inutilement de grimper. On tient ce fait du P. Félix d’Aroclia, missionnaire jésuite, que l’empereur, après la conquête, envoya sur les lieux pour en lever la carte : en passant au pied de ce rocher, quelques officiers tatars lui firent remarquer ce petit fort, et lui apprirent la rencontre singulière qui avait donné lieu a sa reddition. L’importance de cette conquête mérita au général des honneurs extraordinaires ; l’empereur alla le recevoir a huit lieues de Pékin, et le ramena lui-même en triomphe dans sa capitale. Il fut en même temps créé comte de l’empire, décoré de la ceinture jaune et du manteau a quatre dragons en broderie d’or, ornements affectés aux seuls princes titrés du sang impérial. L’année suivante, en 1777, il fut déclaré premier ministre, et devint l’ami, le conseil et le dépositaire de tous les secrets de son maître. Cette place éminente, qui devait le fixer à la cour, n’empêcha pas l’empereur de l’employer au dehors, et de lui confier toutes les entreprises importantes dont on jugeait l’exécution difficile. Depuis quelques années, le Huang-ho rompait toutes ses digues, surtout dans le voisinage de la ville Y·fong-hien, et portait le ravage et la désolation dans toutes les campagnes de cette partie de la province de Honan ; tous les efforts qu’avaient faits les mandarins, aidés des plus habiles hydrauliciens de l’empire, n’avaient pu contenir ce fleuve impétueux ; la dernière ressource de l’empereur fut d’y envoyer Koui, qui partit en 1779. Après avoir tout vu, tout examiné, il fit commencer les travaux, auxquels il employa une multitude innombrable de bras. On ouvrit et l’on creusa, par son ordre, un vaste canal, pris au-dessus de l’endroit où se faisait le plus grand effort des eaux, et il le fit continuer jusqu’à sa jonction avec une autre rivière de la province de Kiang-nan. Akoui était partout, et animait les travailleurs par sa présence. Lorsque le canal fut achevé, on y fit couler les eaux du Hoang-ho, qui s’y précipitèrent comme dans leur lit naturel, et l’on commença peu à peu a découvrir les deux rives du fleuve, qu’on n’avait pas aperçues depuis plusieurs années. Dans les endroits où les eaux avaient eu plus de 110 pieds de profondeur, elles n’en eurent plus que 40. Toutes les terres voisines ne tardèrent pas à