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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/345

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ALB

le 20 juin 1420, avec cet Empereur, qu’accompagnaient en pompe les électeurs de Cologne, de Trèves, de Mayence, de Brandebourg, l’électeur palatin, le duc de Bavière et une foule d’autres princes ; vingt-quatre jours après, tous ces souverains et leurs troupes prirent la fuite devant une poignée d’Hussites armés de faux et de bâtons. L’histoire reproche à Albert des cruautés inexcusables dans sa retraite : il fit brûler, dans un village, deux ecclésiastiques, trois notables et quatre enfants, et ce fût avec peine que l’évêque de Paseau l’empêcha de livrer aux flammes tout ce qui se trouvait sur sa route. La fortune le préserva d’assister à la honteuse défaite qui dispersa l’armée allemande dirigée par le cardinal Julien. Tandis que ce cardinal, à la tête de 80,000 croisés, car on avait prêche une croisade contre les Hussites, se faisait battre par 50,000 hommes, Albert contenait, par des mesures très-vigoureuses, mais du moins avec succès, les peuples de la Moravie ; et, l’année suivante, il parvint à chasser de l’Autriche entière Procope, le plus redoutable des successeurs de Zisla. Au milieu de le guerre des Hussites, la mort de Sigismond appela Albert, le 9 décembre 1437, au trône de Bohême. Il eut à lutter contre les intrigues de sa belle-mère, Barbe de Cilly, femme de Sigismond. (Voy. ce nom.) Cependant il fut couronné à Prague le 20 juin 1438 ; mais la guerre suivit de près son couronnement : les Hussites, animés par l’impératrice veuve, formèrent contre un prince qui devait sa couronne à l’assassin de Jean Hus ; et les Polonais pénétrèrent dans la Silésie et dans la Bohême, pour soutenir les prétentions de leur roi. Albert eut à combattre pour sa propre cause dans les pays où il avait si longtemps combattu pour les intérêts de son beau-père. Maitre de diriger seul les opérations militaires, et seconde par son allié, l’électeur de Brandebourg, il demeura enfin victorieux. Sur ces entrefaites, les Hongrois l’élurent pour roi ; ils se voyaient menacés à la fois par les Polonais et par les Turcs, et, voulant que les soins de leur monarque leur fussent consacrés exclusivement, ils exigèrent de lui la promesse que, si le choix des électeurs le portait sur le trône de l’Empire, il n’accepterait pas cette dignité. Albert, nommé Empereur, fut fidèle à sa parole. « La possession du monde, répondit-il au « messager qui vint lui annoncer son élection, est « d’un moindre prix que la sainteté de « mes serments et le salut de mon âme. » Les princes de sa maison, les pères du concile de Bâle, les états d’Autriche, ne purent l’ébranler. Ce ne fut que lorsque les Hongrois eux-mêmes, pensant que l’accroissement de sa puissance serait favorable à leurs intérêts, le délièrent de ses engagements, qu’il se crut libre de placer sur se tête le couronne impériale, qui depuis resta constamment dans sa famille. L’élévation d’Albert remplit l’Allemagne de joie et d’espérance, et les premières mesures qu’il prit répondirent à l’attente générale ; dans les diètes de Nuremberg et de Mayence, il fit porter une foule de lois relatives à la tranquillité publique et particulière ; il proposa une nouvelle division de l’Allemagne, division qui aurait facilité le maintien de la paix et la répression des désordres ; il réforma l’administration de la justice, modéra les prétentions arbitraires des juges, et tâcha de restreindre surtout la puissance redoutable et mystérieuse des cours véhmiques ou des tribunaux secrets de Westphalie ; mais cette institution singulière résista longtemps encore aux efforts des Empereurs. La conduite d’Albert, au milieu de la lutte qui s’était élevée entre le pape Eugène IV et le concile de Bâle, fut remarquable par sa modération et sa prudence ; il n’accepta point la commission fâcheuse de dissoudre ce concile, qui lui fut déférée par Eugène IV ; il ne prononça point entre les deux assemblées rivales ; mis il fit adopter par la diète de Mayence les résolutions des pères de Bâle, qui tendaient à réprimer les empiétements de l’autorité pontificale. L’Allemagne lui dut l’abolition des annates, des réserves, des expectatives, et le rétablissement universel des élections canoniques. Enfin, la sagesse d’Albert et sa fermeté semblaient annoncer la régénération de l’Empire ; mais ces heureux présages s’évanouirent tout à coup. Depuis prés d’un siècle, la puissance des Ottomans devenait chaque jour plus menaçante ; Bajazet avait subjugué la Macédoine, la Thessalie, le Péloponèse, conquis la Bosnie et la Bulgarie, et traversé le Danube. Vainqueur de Sigismond et d’une innombrable armée de croisés, il était tombé lui-même sous les coups de Tamerlan, au montent où il allait investir Constantinople ; mais son petit-fils, Amurath II, après de longues guerres civiles, dont les Grecs dégénérés n’avaient pas su profiter, reparaissait plus terrible que son aïeul ; il avait, d’un côté, soumis la Grèce ; de l’autre, dévasté la Transylvanie ; et, forçant le despote de Servie à lui donner sa fille et à lui livrer passage, il méditait l’invasion de la Hongrie. Albert se vit forcé de suspendre tous ses projets de réforme, toutes ses vues d’amélioration, pour s’opposer à ce féroce adversaire. Contrarié par la malveillance de la noblesse, et plus encore par l’épuisement des peuples, il rassembla avec peine une armée de 24,000 hommes, et s’avança contre Amurath, qui en commandait plus de 150,000. Son courage aurait peut-être suppléé à l’infériorité de ses forces ; mais les maladies et la trahison rendirent tous ses efforts inutiles ; la dyssenterie moissonna ses soldats ; des nobles mécontents entamèrent avec l’ennemi une correspondance coupable. Amurath eut la générosité d’en avertir Albert. Les traîtres démasqués poussèrent l’armée à la révolte ; les soldats se débandèrent. Albert, que la contagion n’avait pas épargné, fut contraint à la retraite ; et, succombant aux souffrances physiques et morales qui se réunissaient pour l’accabler, il mourut dans un petit village de Hongrie, le 27 octobre 1439, à l’âge de 42 ans, sans avoir été couronné Empereur, quoiqu’il eut enfin accepté sa nomination. Élisabeth, sa femme, était enceinte d’un fils, qui, né quatre mois après la mort d’Albert, fut surnommé Ladislas le Posthume. Albert avait eu trois autres enfants, dont deux seulement lui survécurent, Élisabeth, femme de Casimir, roi de Pologne, et Anne, qui fut mariée à Guillaume, électeur de Saxe, seule espérance de l’Allemagne