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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/434

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ALE

qu’il eut de le remplacer immédiatement. D-s.


ALEXANDRE VI, né à Valence en Espagne, l’an 1430 ou 1431, élu pape en 1492. Il s’appelait Roderic Lenzuoli, mais il prit le nom de Borgia, qui était celui de sa mère, sœur du pape Calixte III, et d’une famille très-ancienne et très-illustre. Cependant des médailles du temps de son pontificat le nomment encore Lenzuoli. Sa jeunesse fut signalée par de grands talents et de grands désordres. Il eut pour maîtresse une femme célèbre par sa beauté, nommée Rosa Vanezia. Cinq enfants naquirent de cette union : Francois, duc de Gandie ; César, d’abord évêque et cardinal, puis duc de Valentinois ; Lucrèce, qui fut mariée quatre fois, et que l’on soupçonna de liaisons incestueuses avec son père et ses frères ; Guifry, prince de Squillace ; le nom du cinquième est reste ignoré. Le pape Calixte appela à Rome son neveu Roderic, qu’il fit cardinal en 1456, et qu’il combla de biens. Ces avantages le déterminèrent à quitter un moment Vanozia, qui ne tarda pas à le suivre secrètement en Italie. Ce fut à Venise qu’elle se réfugia, en attendant des circonstances plus favorables. Roderic, que l’on flattait de l’espoir de succéder à son oncle, affecta des nœurs plus régulières. Calixte mourut en 1458. Pie II lui succéda, et ensuite Sixte IV, qui, trompé par l’hypocrisie de Roderic et séduit par ses talents, l’envoya en qualité de légat auprès des rois d’Aragon et de Portugal, pour régler leurs différends au sujet de la Castille. Roderic ne fut pas heureux dans ses négociations ; il le fut encore moins dans son retour en Italie : il fit naufrage, et manqua de périr sur la côte de Pise. Innocent VIII, qui occupait alors le siége pontifical, fit défense à Roderic de quitter Rome ; mais celui-ci, malgré les ordres du pape, alla rejoindre à Venise Vanozia, qui ne tarda pas à venir le retrouver dans cette capitale du monde chrétien, où de plus grands événements allaient fixer le sort de Roderic. La santé d’Innocent VIII déclinait visiblement. Roderic se ménagea, ou plutôt, suivant d’autres, acheta les suffrages des cardinaux Sforze, Riario et Cibo. Le premier surtout eut une grande influence dans l’élection qui suivit la mort d’Innocent VIII. On prétendit que ce fut le résultat d’un marche fait avec ce cardinal et sa faction, et que cinq cardinaux refusèrent de prendre part à l’intrigue. Quoi qu’il en soit, Roderic fut choisi et déclaré pape le 11 août 1492, sous le nom d’Alexandre VI. Pour se faire une juste idée de son système d’administration, et des projets dont il poursuivit l’exécution, il est nécessaire de se rappeler succinctement la situation où se trouvaient alors les affaires en Italie. Le long séjour des papes à Avignon, les tentatives du peuple, de Rome pour recouvrer sa liberté municipale, les concessions obtenues par les barons romains, vicaires du saint-siége, soit des Empereurs, soit de quelques prédécesseurs d’Alexandre VI, sur les terres appartenant auparavant au domaine de l’Église, avaient considérablement affaibli l’autorité du souverain pontife, et diminué le trésor public. Alexandre appliqua tous ses soins à recouvrer ces avantages. Il voulut principalement dépouiller du voisins puissants, qu’il envisageait comme des usurpateurs. Tels étaient les princes d’Est à Ferrare ; les Bentivoglio, à Bologne ; les Malatesta, à Rimini ; les Manfreddi, à Faenza ; les Colonne, dans Ostie ; les Montefeltri, dans Urbini ; les Orsini, les Vitelli, les Savelli, et plusieurs encore, dans d’autres contrées de l’Italie. En faisant rentrer le saint-siége dans ses anciens droits, Alexandre travaillait à l’élévation des famille, qui le secondait dans ses entreprises, et ce fut ainsi qu’en se servant de moyens personnels pour l’accomplissement de ses projets, il couvrait son intérêt particulier du voile de l’intérêt public. Lors de son avènement au siége pontifical, le roi de Naples était celui de tous ses voisins qui lui portait le plus d’ombrage. Alexandre avait formé contre lui une ligue avec les Vénitiens et avec Ludovic Sforze, duc de Milan, ou plutôt régent de cette souveraineté pendant la minorité de Galéas, son neveu et son pupille, dont il voulait se défaire pour envahir son patrimoine. Mais Ludovic, se défiant de la sincérité d’Alexandre et de la légèreté des Vénitiens, chercha un allié plus puissant, et le trouva dans Charles VIII, roi de France, jeune prince rempli de valeur, et animé du désir de faire valoir les droits de la branche d’Anjou sur un trône dont la famille d’Aragon l’avait dépoullée. Alexandre sentit qu’un tel auxiliaire ne tarderait pas à devenir redoutable à lui-même. Il aima mieux s’en faire un ennemi, et se rejeta du côté d’Alphonse, qui venait de succéder. à Ferdinand, son père, au tronc de Navarre, et qui d’ailleurs haïssait dans Ludovic l’oppresseur de Galéas, auquel il avait marié sa fille. Alexandre ne manqua pas de faire payer à Alphonse cette nouvelle alliance. Il obtint que Guifry Borgia, l’un de ses fils, aurait la principauté de Squillace et le comté de Cariati, et qu’il épouserait D. Sancia, l’une des filles de ce monarque. il fit donner une riche dotation en bénéfice à César Borgia ; à Francois Borgia, duc de Gandie, des revenus immenses, ainsi que l’expectative, pour tous, des premières charges du royaume, et du commandement des armées. Ce traité d’union, ce mariage, le couronnement d’Alphonse, donnèrent lieu a des fêtes qui furent célébrées à Rome avec une magnificence extraordinaire, et inconnue aux premiers successeurs de St. Pierre. La fille naturelle d’Alexandre, Lucrèce, l’ornement habituel de ces fastueuses représentations, n’en était pas le moindre scandale. Alexandre cherchait des ennemis au roi de France jusque sur les rives du Bosphore. Il négociait avec Bajazet, dont le frère, nommé Gemme ou Zizime, avait tenté inutilement de le détrôner. Ce jeune prince était alors réfugie à Rome, ou il s’était mis sous la protection du prédécesseur d’Alexandre. Celui-ci se servait adroitement de cette circonstance pour mettre le sultan dans ses intérêts. Il faisait craindre en outre à Bajazet que les Français, une fois maîtres de Naples, ne tournassent leurs armes contre lui, et ce projet était avoué hautement par Charles lui-même. Cependant le roi de France, après avoir vaincu ou dispersé tous les obstacles qui supposaient à son passage, s’avançait en triomphe aux portes de Rome. Alexandre effrayé essaya d’abord la voie des négociations, mais le vainqueur exigea une soumission absolue.