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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/447

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ALE

des Français, en attaquant subitement notre armée, a le premier déclaré la guerre. Ainsi, puisque rien ne peut le rendre accessible à la paix, il ne nous reste plus, en invoquant notre secours le Tbut-Puissant, témoin et défenseur de la vérité, qu’à opposer nos forces aux forces de l’ennemi… Guerriers, vous défendrez la religion, la patrie et la liberté ; je suis avec vous, Dieu est contre l’agresseur… » Selon le plan dès longtemps adopté, les divers corps de la première armée se mirent en retraite vers la Dwina après quelques légères escarmouches, et ils marchèrent ensuite de la même manière vers le Dnieper, se dérobant par d’habiles mouvements à l’activité de Napoléon, qui crut plus d’une fois les avoir atteints et séparés. (Voy. Bagration et Barclay de Tolly.) Cette retraite, dont le but échappait à l’intelligence des soldats et trompait leur enthousiasme, ayant excité des murmures parmi eux, Alexandre donna un nouvel ordre du jour, daté du 27 juin, jour anniversaire de la bataille de Pultawa : « Guerriers russes, vous avez atteint le but que vous vous proposiez lorsque l’ennemi osa franchir les limites de notre empire ; vous étiez sur les frontières pour l’observer jusqu’à l’entière réunion de notre armée ; il fallait, par une retraite indispensable et momentanée, retenir l’ardeur dont vous brûliez, pour arrêter la marche téméraire de l’ennemi. Tous les corps de la première armée sont enfin réunis dans la position choisie d’avance. Maintenant une nouvelle occasion se présente de montrer votre valeur et de recueillir la récompense des travaux que vous en avez supportés. Que ce jour, signalé par la victoire de Pultawa, vous serve d’exemple ! que le souvenir de vos victorieux ancêtres vous excite à de glorieux exploits ! » Cependant les armées russes continuaient leur retraite systématique, combattant avec une sorte de fureur chaque fois qu’il arrivait à quelqu’un de leurs corps d’attendre les Français ou d’être atteint par eux, et ne leur abandonnant le pays qu’après l’avoir dépouillé de toutes ses ressources. Alexandre, sans se laisser abattre par des revers momentanée et plus apparents que réels, organisait tout pour une résistance opiniâtre ; et, fort de l’assentiment de ses peuples, il enflammait leur enthousiasme par ses proclamations, et les déterminait a des sacrifices dont il ne pouvait encore leur dévoiler toute l’étendue. « L’ennemi est entré avec de grandes forces sur le territoire de la Russie, dit-il aux habitants de Moscou, dans une allocution du 6 juillet 1812 ; il vient ravager notre chère patrie ! Quoique l’armée russe, brûlante de courage, soit prête a s’opposer aux mauvais desseins de ce téméraire, notre sollicitude et nos soins pour nos fidèles sujets ne nous permettent pas de les laisser dans l’incertitude a sur le danger qui les menace. Résolu a rassembler dans l’intérieur de nouvelles forces pour assurer notre défense, c’est à Moscou, ancienne résidence de nos ancêtres, que nous nous adressons avant tout ; elle fut toujours la première des villes de la Russie, et c’est de son sein que sortirent constamment les armées qui terrassèrent les ennemis… Jamais les besoins ne furent plus urgents. Les dangers de la religion, du trône, de l’État, exigent tous les sacrifices… Puisse la destruction dont l’ennemi nous menace retomber sur sa tête, et l’Europe affranchie exalter le nom de la Russie. ! » L’empereur adressait en même temps à toute la nation un manifeste également rempli d’exaltation patriotique et religieuse. Il envoya son frère Constantin à Pétersbourg pour y diriger les mesures de défense, et lui-même se mit en route pour Moscou. La noblesse de cette ville mit à sa disposition 80,000 hommes de milice, équipés et fournis de vivres pour trois mois, aux frais de leurs seigneurs. Le gouverneur Rostopchin (voy. ce nom) ayant réuni au Kremlin un grand nombre de nobles et de marchands, Alexandre parut au milieu d’eux, et il en reçut un accueil plein d’enthousiasme. Électrisé par le dévouement qu’il inspirait, il leur promit de recourir aux derniers sacrifices plutôt que de poser les armes comme à Tilsitt. « Les désastres dont vous êtes menacés, ajouta-t-il, ne doivent être considérés que comme des moyens nécessaires pour consommer la ruine de l’ennemi… » Après avoir donné ses derniers ordres à Rostopchin, l’empereur quitta Moscou pour se rendre à Pétersbourg. C’est alors que sa cause se trouvant de nouveau liée à celle des Anglais, ennemis implacables de Napoléon, il conclut avec eux à Orebro, eu Suède, un traité d’alliance d’après lequel l’escadre russe prise dans le Tage en 1808 lui fut rendue, et d’abondants subsides accordés pour soutenir la guerre. Le retour du commerce avec l’Angleterre était tellement urgent pour les Russes, qu’avant même l’échange des ratifications, un ukase ouvrit les ports de l’Empire aux vaisseaux de cette nation. Par une alliance offensive et défensive conclue le 20 juillet avec le conseil suprême d’Espagne, agissant au nom de Ferdinand VII, l’autocrate reconnut les cortès réunies à Cadix. Peu de temps après il se rendit à Abo, en Finlande, où il eut une conférence (28 août) avec le prince royal de Suède (Bernadotte), qu’il s’efforça par toute sorte d’égards et de promesses de détacher de la cause de son ancienne patrie. Il lui garantit sa nouvelle position, promit de lui faire obtenir la Norwége en compensation de la Finlande, et donna même a entendre que, si l’on parvenait à detrôner Bonaparte, il pourrait être mis a sa place. Gagné par d’aussi séduisantes paroles, Berrnadotte consentit à tout, et les deux divsions russes ; demeurées jusqu’alors en Finlande, furent transportées en Livonie, pour y renforcer les corps d’armée qui faisaient face à l’aile gauche de Napoléon. D’Abo, Alexandre retourna à Pétersbourg, où il redoubla d’activité pour accélérer les armements qui s’exécutaient sur tous les points de l’Empire. Après les sanglants combats de Smolensk et de Valontina, il avait appelé au commandement de ses armées le prince Koutousoff, vieillard septuagénaire, qui venait de terminer si à propos la guerre contre les Turcs. Sous ce général qu’ils chérissaient, les Russes combattirent sur les bords de la Moskowa avec une valeur si opiniâtre que l’on n’eût su auquel des deux partis la victoire était demeurée dans cette