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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/497

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ALI

ALIAMET (Jacques), graveur, de l’Académie de peinture, né à Abbeville en 1728, mort à Paris en 1788, se fit connaître d’abord par de petits sujets gravés avec goût, et établit en ensuite sa réputation par des ouvrages plus importants, et qui sont fort estimés, tels que ses estampes d’après Bergen, Wouwermans, Vernet, et deux des seize planches qui représentent les batailles des Chinois contre les Tatars. Il porta l’art de graver à la pointe sèche à une perfection beaucoup plus grande que son maître Lebas. Sachant parfaitement conserver l’harmonie des teintes, il blâmait les graveurs qui poussent au noir, et il les comparaît aux acteurs qui, au lieu de mériter les applaudissements des gens de goût par l’expression. naïve des passions, font des grimaces qui ne peuvent plaire qu’à la populace. — Son frère (François-Germain), aussi graveur, mais bien au-dessous de lui pour le talent, a gravé, à Londres, pour Boydell, d’après les anciens maîtres, et aussi d’après quelques peintres anglais. K.


ALIBAUD (Louis), l’un des nombreux régicides qui ont attenté à la vie du chef de la dynastie d’Orléans, était né à Nîmes le 2 mai 1810. Sa famille, peu aisée, avait pu cependant lui faire donner quelque instruction. Il ne manquait d’ailleurs point d’intelligence et montrait une certaine vivacité de caractère. Mais sa volonté suivait déjà les tendances vicieuses d’une mauvaise nature. Sa jeunesse trahit le malaise d’un esprit sans fixité et sans but. D’abord copiste à Nîmes, il entre comme novice dans la marine, quitte la mer après deux mois, et s’engage dans un régiment de ligne alors en garnison à Paris (1829). La révolution de 1830 arriva ; les opinions républicaines d’Alibaud lui firent embrasser la cause du peuple : il abandonna son régiment ; cependant il ne prit aucune part aux combats des trois journées ; « car, a-t-il dit dans l’un de ses et interrogatoires, il avait le préjugé qu’il ne pouvait tirer contre ses anciens camarades. » Après l’établissement du nouvel ordre de choses, il rentra au service et devint moniteur de l’école régimentaire, puis fourrier dans un escadron de carabiniers en garnison à Strasbourg. Une altercation qu’il eut dans cette ville avec un particulier le fit transporter dans une compagnie du centre, sans toutefois qu’il perdit son grade. Il sortit de l’armée en janvier 18354. L’année suivante, on le retrouve à Perpignan, dans la même activité maladive et toujours sans carrière. Il avait alors les yeux tournés vers l’Espagne, espérant prendre part à l’expédition que méditaient certains réfugiés étrangers contre le gouvernement de la reine. Il partit même pour Barcelone, y resta quelques semaines, et, voyant que ce projet n’aurait point de suites, il revint en France. S’il faut l’en croire, de sombres pensées fermentaient dans son esprit, et ce fut avec le plan bien arrêté de son crime qu’il arriva à Paris. Il a même déclaré, soit qu’il en fût ainsi, soit qu’il voulut, par ce moyen, donner plus de relief à son caractère, qu’il avait conçu ce projet dès 1832, lors de la sanglante affaire du cloitre St-Merry. « Depuis que le roi mit Paris en état de siége, et qu’il voulut gouverner au lieu de régner ; depuis que, le premier, il a fait massacrer les citoyens dans les rues de Lyon, au cloitre St-Merry, son règne est un règne de sang, j’ai voulu frapper le roi. » Au sortir de l’Espagne, il n’était point encore décidé ; mais, après avoir passé la frontière, il s’était décidé irrévocablement. Ce fut le départ du duc d’Orléans pour l’Afrique qui le détermina à venir à Paris. « En effet, le roi mort, et le duc d’Orléans ne se trouvant pas à Paris, la révolution eût été plus facile qu’a toute autre époque. » C’était la sa pensée : amener un bouleversement général, et sur les ruines de la dynastie élever la république. À mesure que le temps marchait, Alibaud descendait d’un degré dans la misère ; ses dernières ressources étaient à peu près épuisées. Il se présenta en qualité de commis-voyageur chez un marchand de cannes à fusil, promit de lui procurer la vente des objets de sa fabrique, reçut, à cette condition, quelques armes, qu’il rendit bientôt, à l’exception d’une seule qu’il prétendit lui avoir été volée dans un café, et dont il s’engagea à restituer le prix quand ses moyens le lui permettraient. Il avait l’instrument de son crime, et n’attendait plus que l’occasion d’en faire usage ; il l’attendait avec impatience, la cherchait chaque jour, sans cesse en faction pour voir sortir le roi des Tuileries et l’approcher. Il ne put rester chez un marchand de vin dans la maison duquel il était entré pour tenir les livres, parce que ses occupations dans cette maison absorbaient la plus grande partie de son temps et ne lui laissaient plus le loisir de suivre le roi. Alors Alibaud affronta la misère la plus complète, sans chercher à s’y soustraire autrement que par le crime, au delà duquel son imagination égarée lui montrait l’aisance, la fortune peut-être, et une gloire qu’il pouvait envisager sans frémir. Il vécut un mois sans travail, du créant qu’on voulut bien lui accorder ; il continuait à veiller avec assiduité autour des Tuileries. Dans la matinée du 25 juin 1836, il se trouva à l’entrée des Champs-Élysées, sur la route que parcourut le cortège royal en venant de Neuilly ; mais l’occasion ne lui sembla point favorable : il différa jusqu’au soir. En effet, le roi, accompagné de la reine et de madame Adélaïde, reprenait la route de Neuilly ; la voiture entrait sous le guichet du pont Royal, lorsqu’un coup de feu partit d’un groupe de spectateurs ; mais le roi se trouvant, en ce moment même, incliné pour saluer le poste d’honneur, la balle passa au-dessus de sa tête et alla s’enfoncer dans le panneau de la voiture, un peu au-dessous de impériale. L’assassin fut immédiatement saisi et entraine au poste de la garde nationale. On trouva sur lui un poignard dont il avait dessein de se frapper s’il en avait en le temps. Il fut ensuite conduit à la Conciergerie, où le procureur général lui fit subir un premier interrogatoire. Il témoigna le regret de n’avoir point réussi dans sa tentative. « J’étais malheureux, dit-il ; le gouvernement est la cause de mon malheur ; le roi en est le chef : voilà pourquoi j’ai voulu le tuer. » Le soir même, une ordonnance royale saisit la cour des pairs de l’attentat.