Aller au contenu

Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/529

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
513
ALO

Aloadin lui envoya des ambassadeurs. « Vous connaissez sans doute le seigneur de la Montagne, lui dirent-ils ; notre maître trouve étrange qu’il n’ait point encore eu de vos nouvelles, et que vous n’ayez point encore cherché à vous en faire un ami, en lui envoyant des présents. Il nous envoie vers vous, pour vous avertir d’y penser. » Cette harangue singulière n’intimida point le monarque français, qui les fit menacer de les jeter dans la mer, et ne les laissa partir qu’en leur ordonnant de revenir, et de lui rapporter des témoignages de la soumission et du respect de leur maître pour le chef des croisés. Ils revinrent, en effet, quinze jours après leur départ ; Aloadin envoyait à St. Louis une chemise, avec un anneau où son nom était gravé : il voulait marquer par la chemise, celui des vêtements qui touche le corps de plus près, que le roi de France était le prince avec qui il voulait avoir une plus étroite union, et par la bague, qu’il désirait lui être uni par un lien indissoluble. Ces symboles d’amitié étaient accompagnés de présents curieux, parmi lesquels ou remarquait des figures d’hommes et d’animaux, des échecs, et des vases de cristal, travaillés avec beaucoup d’art. Louis IX, satisfait de la soumission d’Aloadin, envoya ses ambassadeurs avec des présents pour leur maître, et les fit accompagner par le frère Yves, qu’il chargea de complimenter le seigneur de la Montagne. « Quand le frère Yves. dit Joinville, fut devant le Viel de la Montagne, il trouva au chevet du lit d’icelui prince ung livret auquel y avoit en script plusieurs belles paroles que Notre-Seigneur autrefois avoit dictées à monseigneur St. Pierre, lui étant sur terre avant sa passion ; et quand frère Yves les eut lues, il lui dist : Ha ! ha ! sire, moult feries bien si vous lisies souvent ce petit livre, car il y a de tres bonnes escriptures ; et le Viel de la Montgne lui dit, que, si faisoit-il, et qu’il avoit moult grand fiance en monseigneur St. Pierre. Quand frère Yves lui ouit ainsi parler, il lui enseigna plusieurs beaux dits et les commandements de Dieu ; mais oncques ne voulut y croire. À son retour, le frère Yves disoit que quand celui prince de la Montagne chevauchoit aux champs, il avoit ung omme devant lui qui portoit sa ache d’armes, laquelle avoit le manche couvent d’argent, et y avoit au manche tout plein de coteaux tranchants, et crioit à aulte voix, celui qui portoit cette ache en son langaige : Tournes vous arrière ; fuyes vous devant celui qui porte la mort des rois entre ses mains. » Aloadin avait fait demander à Louis IX d’être délivré du tribut qu’il payait aux templiers, attendu, disait-il, qu’il n’avait pu s’en affranchir en faisant tuer le chef de l’ordre, qui aurait été remplace par un autre. Il n’obtint point sa demande, et resta soumis au tribut que les seigneurs de la Montagne payaient aux chevaliers du temple, depuis le règne de Baudouin II, roi de Jérusalem. Aloadin mourut peu d’années après cette ambassade ; sa cruauté et son despotisme lui suscitèrent des ennemis parmi ses sujets, et dans sa propre famille : celui qui faisait trembler les rois fut tout à coup précipité du trône par une conspiration formée dans sa cour. Son fils Rokn-Eddyn, qui avait été l’objet de sa haine, lui succéda, et vit, peu de temps après, ses petits États ruinés par les Tatars. J-n.


ALOARA, veuve de Pandulf, surnommé Tête-de-Fer, prince de Capoue et de Bénévent, gouverna ses États avec habileté. St. Nil, rapporte Baronius, lui prédit qu’en punition du meurtre d’un neveu de son mari, qu’elle avait fait tuer, de peur qu’il ne dépouillait son fils, sa postérité ne régnerait plus à Capoue : prophétie que justifia l’événement. Aloara mourut en décembre 992. K.


ALOISI (Balthazar), dit Galanino, peintre, né à Bologne en 1578, était parent et élève des Carrache. Il excellait dans la composition, parce qu’il se souvint toujours des préceptes salutaires de ses maîtres. Malvasia loue avec enthousiasme une Visitation de Galanino qui est à la Charité de Bologne ; mais la fortune ne vint pas seconder les travaux de ce maître : il fut obligé pour vivre d’aller à Rome et de s’adonner au portrait. En ce genre, il obtint du succès ; on reconnaissait ses tableaux à leur force et à leur relief. Il mourut en 1638. A-d.


ALOMPRA[1], chef de la dynastie actuelle de l’empire des Birmans. Lorsqu’en 1732, Reinga-Della. roi du Pégou, conquit le royaume d’Ava, il fit son roi Donipdi prisonnier de la manière la plus arrogante ; Alompra, Birmnn d’une naissance obscure, connu sous l’humble nom d’Aumdzea, ou le chasseur, fut maintenu par Apporaza, frère du conquérant, dans la place de chef du petit village de Manchabou, situé à douze milles de l’Irraouddy et à l’ouest de Kioum. Cet homme, d’un esprit vif et entreprenant, était alors âgé de quarante-deux ans ; il dissimula l’horreur du joug étranger ; mais, indigné de l’insolence des vainqueurs, il s’assura des dispositions de cent amis braves, et fit réparer l’enceinte de gros pieux qui entouraient Manchabou, sans exciter de soupçons. Cinquante soldats pégouans qui formaient la garnison, négligeant de se tenir sur leurs gardes, furent passés au fil de l’épée. Alompra s’efforça de faire considérer ce massacre comme le résultat d’une querelle imprévue, et protesta de son dévouement au roi du Pégou. Apporaza, obligé de quitter momentanément le gouvernement des provinces conquises. enjoignit à son neveu Dotacheou de renfermer le rebelle dans une étroite prison, et une troupe fut envoyée pour remplacer la garnison égorgée. À son arrivée, ce détachement de près de 1,000 hommes fut mis en déroute et poursuivi par Alompra à la tête de ses cent partisans. Le vainqueur, rentré dans sa forteresse, se prépara aux destins les plus périlleux. Cherchant la victoire ou la mort, il fit ranger plusieurs villes sous l’étendard de la révolte ; puis, profitant de l’indécision de Dotacheou, il marcha sur Ava. À cette nouvelle, tous les Pégouans prirent la fuite ; ceux qui restèrent furent massacrés. Cependant Alompra se décida à rester à Manchabou ; et Schembuan, le Second de ses fils,

  1. Le nom de ce prince, en langue du pays, se prononce Aloung-Pmoura ou Alomandra-Praou