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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/540

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ALP

des jugements de ce prince, qui lui avaient valut le surnom de Vengeur, furent, après sa mort, des titres d’éloges. Sans ces moyens violents, il n’eut jamais réprimé la tyrannie des grands, et purgé la Castille des brigands qui l’infestaient. Fondant son pouvoir sur la ruine des factions, Alphonse rendit à la majesté royale tout son éclat, et aux lois toute leur vigueur. Il aimait la splendeur et l’éclat, et l’on en put juger par les magnifiques tournois où il combattit souvent lui-même en habit de chevalier. Vivement épris de la célèbre Éléonore de Guzman, cette favorite impérieuse obtint toute sa confiance, à l’exclusion de Marie de Portugal, qu’il avait épousée par politique, plus que par goût. Il eut d’Éléonore quatre enfants naturels, et de Marie de Portugal, Pierre, dit le Cruel, qui lui succéda. B-p.


ALPHONSE Ier, roi d’Aragon et de Navarre, surnommé le Batailleur, fils de Sancho V, roi de Navarre et d’Aragon, succéda, en 1104, à son frère Pierre Ier, et manifesta de bonne heure son penchant pour la guerre. Il était regardé comme le prince le plus brave de son temps. Alphonse VI, roi de Castille, lui fit épouser en secondes noces dona Urraque, sa fille unique et son héritière. Ce mariage devait réunir un jour sur la tête du roi d’Aragon toutes les couronnes de l’Espagne chrétienne ; ainsi prit-il, après la mort de son beau-père, le titre fastueux d’empereur de toutes les Espagnes ; il prétendit même régner en Castille, sous le nom de son épouse ; mais cette princesse, aussi fière que galante (voy. Urraque), méprisa l’autorité d’Alphonse, et voulut même l’exclure de son trône et de son lit. Alphonse, qui avait épousé Urraque par ambition, lui disputa pendant sept ans la couronne de Castille, ce qui plongea l’Espagne dans toutes sortes de malheurs. Dés 1109 Alphonse avait pénétré en Castille avec une armée, pour forcer les états du royaume à le reconnaître, et il avait fait arrêter la reine : mais cette princesse ayant été délivrée par les nobles castillans, les deux époux en vinrent à une bouille rangée à Campo de Espina. Alphonse tailla en pièces les troupes de la reine, et livra la Castille au pillage. Urraque eut bientôt une nouvelle armée, reprit l’offensive, força son époux de lever le siége d’Astorga et de se retirer a Carion. Assiégé dans cette ville par la reine en personne, Alphonse demanda la paix, et ne l’obtint que sous la condition d’abandonner ses conquêtes. Un concile, tenu à Palencia en 1114, cassa son mariage, et il renonça enfin à Urraque et à la Castille. N’ayant plus aucun espoir de conserver cette couronne, il tourna ses armes contre les musulmans, et leur prit, en 1118, la ville de Saragosse, qui avait été pendant quatre siècles sous leur domination ; il y établit sa cour, et donna plusieurs de cette capitale aux seigneurs français et aragonais qui l’avaient aidé à en faire la conquête ; il s’étendit ensuite au delà de l’Èbre, et emporta d’assaut Tarazone et Calatayud. Ardent ennemi des Maures, ce roi guerrier ne cessa de les poursuivre, et, ayant formé avec le nouveau roi de Castille une ligue redoutable, il remporta plusieurs avantages considérables sur les musulmans d’Afrique et de Grenade, qui s’étaient avancés vers l’Aragon. Entrain& par le succès de ses armes, Alphonse pénétra dans les royaumes de Valence et de Murcie, et porta la guerre jusque dans les environs de Grenade, ou il fit hiverner ses troupes, se trouvant trop éloign& de ses États. Ce fut alors que 10,000 familles de chrétiens mozarabes, sachant qu’un prince chrétien était, avec une armée, au pied des Alpuxaras, descendirent des montagnes, et vinrent se ranger sous les drapeaux du roi d’Aragon. Ils lui apprirent qu’ils s’étaient maintenus, de générations en générations, dans ces montagnes, depuis la conquête de l’Espagne par les musulmans, c’est-à-dire pendant trois siècles. Les seigneurs français qui avaient accompagné Alphonse dans cette brillante expédition l’abandonnèrent à son retour, mécontents de ce qu’il ne leur faisait point partager les honneurs et les r&compenses qu’il accordait à ses propres sujets. Leur départ ayant inspiré une nouvelle audace aux Maures, ils revinrent avec des forces imposantes, pour attaquer le roi d’Aragon. Ce prince se hâta de rappeler les Français, et s’engagea, par serment, à leur donner des terres et des dignités dans ses propres domaines. Revenus aussitôt, ils contribuèrent puissamment à la victoire décisive qu’Alphonse remporta en 1126 sur les musulmans, qui avaient déjà enveloppé son armée dans les montagnes du royaume de Valence. Ce succès le porta à mettre le siége devant Fraga, place très-forte, sur les confins de la Catalogne. Il la tenait bloquée depuis un an, et refusait à la garnison une capitulation honorable, lorsque parut tout à coup une armée nombreuse de Maures, qui lui livrèrent bataille et le vainquirent. Deux évêques, un grand nombre de chevaliers français, aragonais, catalans, navarrois, et presque toute l’armée restèrent sur la place. Alphonse, suivi de dix gardes, et blessé, se sauva au monastère de St-Jean de la Pegna, où il mourut de douleur et de honte, en 1134, huit jours après sa défaite, laissant la monarchie aragonaise de deux tiers plus étendue qu’il ne l’avait trouvée à son avènement. Mais le désastre de Fraga, en sauvant les Maures, causa bientôt des déchirements dans l’Espagne chrétienne ; la Navarre se détacha de l’Aragon, dont elle supportait le joug avec impatience. Affable et libéral, mais plutôt chevalier intrépide que roi prévoyant et sage, Alphonse, entrainé par sa passion pour la guerre, se vit arrêté au milieu de ses triomphes, comme la plupart des conquérants. On le surnomma le Batailleur, parce qu’il s’était trouvé a vingt-neuf batailles rangées. Mariana prétend que ce prince, qui n’avait point eu d’enfants, légua, par un testament bizarre, ses deux royaumes à l’ordre militaire des templiers ; mais le fait est contesté par tous les autres historiens. Les Aragonais. d’abord partagés pour l’élection du successeurs d’Alphonse, élurent Ramire, son frère, choix qui fut une source de nouveaux malheurs. Vingt-neuf ans après sa mort, un imposteur se donna pour le véritable Alphonse le Batailleur, revenu de la terre sainte, après y avoir expié ses fautes ; mais, ayant osé paraitre à Saragosse, où il avait déjà quelques