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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/68

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ABD

Errahman lut cette lettre à ses troupes, et n’eut pas de peine à leur persuader que Hedjadj voulait les sacrifier ou s’attribuer l’honneur de leurs victoires. Hedjadj fut maudit et déclaré traitre, et Abd-Errahman reconnu pour lieutenant direct du calife. Ce général fit la paix avec le roi de Kaboul, s’assura un asile dans les États de ce monarque, en cas de revers dans sa révolte contre Hedjadj, et promit de l’exempter de tout tribut, si elle était couronnée de succès. Il traversa la Perse sans obstacles, quoique Malheb, gouverneur du Khoraçan, eût refusé de se joindre à lui. Au premier bruit de la marche des rebelles, Hedjadj alla se renfermer dans Bassora, pour se rapprocher du théâtre de la guerre ; ses troupes ayant été battues par Abd-Errahman, dans l’Ahwaz et à Zawyah, près de Bassora, il fit demander de prompts secours au calife Abdel-Mélek, et dès qu’il les eut reçus, il se crut en état d’accepter la bataille qui lui fut offerte à Daïr-el-Djamayem, juillet l’an 82 (701). Elle dura cinq jours et cinq nuits sans interruption. Hedjadj vaincu se renferma dans Bassora, et Abd-Errahman alla assiéger Koufah, dont il dut la reddition à la mésintelligence du gouverneur et du commandant. Comme il y fut reconnu calife par les habitants, Abd-el-Mélek crut devoir se délivrer d’un compétiteur aussi dangereux. Une nouvelle armée qu’il envoya demeura longtemps en observation devant celle des rebelles. Dans cet intervalle, une députation des notables de l’Irak se rendit à Damas auprès d’Abd-el-Mélek, et lui dit que le seul moyen de rétablir la paix, c’était de rappeler Hedjadj. Le calife envoya deux de ses fils pour donner satisfaction aux Irakiens, et leur promettre, s’ils se soumettaient, qu’il leur donnerait l’un d’eux pour gouverneur, et qu’il permettrait à Abd-Errahman de vivre honorablement dans le lieu qu’il choisirait pour sa retraite ; mais, s’ils persistaient dans leur révolte, il les menaçait de se joindre à Hedjadj pour les réduire. L’obstination des Koufiens et les conseils de Hedjadj, qui fit sentir au calife l’inutilité et le danger de faire des concessions, rallumèrent la guerre. Les fils du calife ayant uni leurs forces à celles de Hedjadj, livrèrent À Abd-Errahman une bataille où ce dernier fut totalement défait ; il s’enfuit à Koufah, puis à Bassora qui lui ouvrit ses portes. Attaqué par Hedjadj, il essuya une seconde défaite, et prit la route du Séistan, harcelé par les troupes du calife qui le battirent encore dans le Kerman. Il gagna la capitale de cette province, où il espérait trouver un asile ; mais le gouverneur, qui lui devait sa place, ayant durement refusé de le recevoir, Abd-Errahman fut contraint d’aller plus loin. Il arriva au château de Bost, dont le commandant, qui était aussi sa créature, le reçut avec toutes les démonstrations d’un ami reconnaissant ; mais ce perfide, voyant qu’Abd-Errahman était séparé de la plus grande partie de ses gens, le fit enchaîner et l’aurait livré à Hedjadj, si le roi de Kaboul ne fût venu le délivrer. Ce prince l’emmena avec lui, le logea dans son palais et le traita avec toutes sortes d’égards. Cependant les soldats d’Abd-Errahrnan, dispersés en diverses rencontres, étant venus le rejoindre successivement au nombre de 600 hommes, le conjurèrent de ne pas demeurer plus longtemps chez les infidèles, et de marcher à leur tête vers le Khoraçan. Il leur représenta vainnement que Yézid ibn Mahleb, qui en était gouverneur, leur susciterait mille obstacles et se réunirait contre eux à l’armée de Syrie ; cédant à leurs instances, il partit. Yézid alla au-devant de lui avec 1,000 hommes, lui offrit de l’argent et lui déclara qu’il ne pouvait pas lui rendre d’autres services. Abd-Errahman n’ayant demandé que la permission de se reposer quelques jours dans le Khoraçan, Yézid y consentit et lui envoya divers présents. Leurs troupes respectives, dont les camps étaient près l’un de l’autre, vivaient en bonne intelligence ; mais, quelques jours après, Yézid, sous le prétexte vrai ou supposé d’une entrevue que quelques-uns de ses officiers auraient eue avec Abd-Errahman, attaqua à l’improviste les troupes de ce général et en triompha aisément. Après ce dernier revers, il ne restait plus d’autre ressource à Abd-Errahman que de retourner chez le roi de Kaboul : il prit ce parti malgré les conseils d’un ami, qui l’engageait à se renfermer dans quelque château fort, plutôt que de se mettre à la merci d’un prince qui pouvait être gagné ou intimidé par ses ennemis. En effet, des ambassadeurs de Hedjadj vinrent menacer le roi de Kaboul de toute sa colère, s’il ne livrait pas le fugitif. Le roi résista à ces menaces, mais il ne fut point insensible à la promesse d’une exemption de tribut pendant sept ans : il exigea seulement qu’elle fût ratifiée par Hedjadj. Lorsque les ambassadeurs eurent reçu cette ratification i il leur remit en échange la tête du malheureux Abd-Errahman qu’il avait coupée lui-même. Cette tête et celles de dix-huit de ses compagnons d’infortune furent envoyées à Hedjadj, qui en fit hommage au calife Abd-el-Mélek. Suivant une autre version, Abd-Errahman se précipita du haut d’une maison pour n’être pas livré vivant à son ennemi. Ainsi se termina, vers la fin de l’année 702, une révolte qui coûta à l’empire musulman des flots de sang et un de ses plus grands capitaines. A-t.


ABD-ERREZZAK (Kemal-Eddin), historien et voyageur persan, naquit à Hérat, le 12 chaban 816 de l’hégire (17 novembre 1413). Son père Ishak, natif de Samarkand, avait été longtemps lecteur, iman et cadi du sultan Schah-Rokh, fils de Tamerlan, tant à la cour qu’à l’armée. Abd-Errezzak ayant composé un commentaire sur une grammaire de Meulana Cadi-Azz-Eddin, le présenta à son souverain, l’an 842 (1129), dans une assemblée nombreuse, et lui en fut la dédicace, ainsi que quelques passages. Le sultan, pour témoigner sa satisfaction à l’autzur, lui donna les mêmes emplois et les mêmes émoluments qu’avait eus son père. Abd-Errezzak obtint un logement au palais, et il y demeura avec sa famille, jusqu’à la mort de Schah-Rokh. L’an 845 (1112), ce sultan l’avait envoyé en ambassade aux princes de la côte des Indes et au roi de Bisnagar, afin d’établir des relations entre la Perse et l’Indoustan. Abd-Errezzak partit de Hérat, le