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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/111

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de Cathelineau, de Larochejaquelin, contre l’armée de la République.

Près de moi, devant la fenêtre furent tués une femme en noir, grande et qui me ressemblait et un jeune homme qui l’accompagnait. Nous n’avons jamais su leurs noms et personne ne les connaissait.

Deux grands vieillards debout sur la barricade de l’avenue Victoria, tiraient tranquillement, on eût dit deux statues des temps homériques : c’étaient Mabile et Malezieux.

Cette barricade, faite d’un omnibus renversé, soutint quelque temps le feu de l’Hôtel-de-Ville.

Comme Cipriani gagnait l’avenue Victoria avec Dussali et Sapia, il eut l’idée d’arrêter l’horloge de l’Hôtel-de-Ville et tira sur le cadran qui se brisa ; il était quatre heures cinq minutes.

À cet instant même fut tué Sapia d’une balle dans la poitrine.

Henri Place eut le bras cassé, mais comme toujours et toujours la majorité des victimes se composait de gens inoffensifs, venus là par hasard.

Des passants dans les rues voisines furent tués par des balles perdues.

Ayant tenu le plus longtemps possible en tirant des petites bâtisses situées au côté de la place opposé à la façade, il fallut se retirer.

La première fois qu’on défend sa cause par les armes, on vit la lutte si complètement qu’on n’est plus soi-même qu’un projectile.

Le soir, nous vîmes le père Malezieux ayant encore grande redingote trouée de balles comme un crible.

Dereure, qui un instant avait à lui seul occupé la porte de l’Hôtel-de-Ville, était rentré à la mairie de Montmartre, son écharpe rouge toujours à la ceinture.

— Il faut terriblement de plomb pour tuer un homme, disait Malezieux, le vieil insurgé de juin.