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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/300

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ils arrêtèrent d’abord à leur fantaisie. — Malheur à qui avait un ennemi assez lâche pour envoyer, vraie ou fausse, signée ou anonyme, une dénonciation, elle était regardée comme vraie sans examen.

L’armée avait disposé de la vie des Parisiens, la police disposa de leur liberté.

Il en fut ainsi jusqu’au moment où les prisons regorgeant, ne pouvant plus faire disparaître aussi aisément les nombreux détenus, le gouvernement informa les dénonciateurs qu’ils eussent à signer.

Toutes les basses jalousies, toutes les haines féroces s’étaient assouvies jusque-là.

Peut-être la situation atteignit une intensité d’horreur qui écœura les vainqueurs, le sang de mai leur remonta à la gorge.

Les grandes villes de province, la France entière étaient une souricière immense.

Quelques arrestations et même exécutions de Versailles eurent leur histoire.

Dans la nuit du 25 au 26 mai, 52, boulevard Picpus, deux vieux Polonais, restés de l’émigration de 1831, faisaient leur thé, se racontant les événements auxquels ils étaient trop vieux pour prendre part. Cette part eût été pour Versailles où l’un d’eux nommé Schweitzer avait un neveu qu’il aimait beaucoup ; — l’autre se nommait Rozwadowski. Comme ils savaient le quartier envahi par l’armée régulière où le neveu était lieutenant, l’idée leur prit de mettre trois tasses sur la table ; peut-être bien qu’il allait venir.

Pendant que les vieux causaient paisiblement, des soldats s’informaient chez le concierge ainsi qu’ils faisaient partout : un officier était avec eux.

Dans le logement près du leur, deux autres locataires qui, ceux-là avaient servi la Commune, se tenaient l’oreille au guet, écoutant les vieux qui, pensaient-ils, pouvaient les dénoncer.