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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/309

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— Que pensez-vous ? me demanda l’un de ceux qui nous conduisaient.

— Je regarde ! lui dis-je.

Tout à coup on nous fit remonter, nous reprîmes notre marche, puis il y eut un assez long repos, nous allions à Versailles.

En effet nous arrivons dans cette ville, des nuées de petits crevés nous environnent hurlant comme des bandes de loups, quelques-uns tirent sur nous, un camarade près de moi a la mâchoire fracassée.

Je dois cette justice aux cavaliers qu’ils repoussèrent au large ces imbéciles et les drôlesses qui les accompagnaient.

Nous dépassons Versailles, on marche encore, puis voilà une hauteur, un mur crénelé, c’est Satory.

La pluie tombait si fort qu’il semblait marcher dans l’eau.

Devant la petite montée on nous crie : montez, comme à l’assaut des buttes ! et nous montons comme au pas de charge que marquaient au loin, les coups de canon.

On braque les mitrailleuses, nous avançons toujours.

Une pauvre vieille arrêtée parle qu’on avait fusillé son mari, et qu’il avait fallu traîner pour qu’elle ne restât pas en arrière où elle aurait été assommée ou fusillée suivant l’ordre donné s’effarait et allait crier, lorsque j’eus l’idée de lui dire : vous n’allez pas faire de bêtises, c’est la coutume qu’on braque les mitrailleuses en entrant dans un fort. Elle me crut. Nous pouvions être tranquilles, il n’y aurait pas d’autre cri que celui de : vive la Commune !

Alors on retira les mitrailleuses. Mes compagnons de captivité furent joints aux autres fédérés couchés sous la pluie dans la boue de la cour ; la vieille envoyée à l’infirmerie (cela paraissait singulier, qu’il y eût une infirmerie dans ce lieu, qui ne ressemblait qu’à un abattoir). Et moi, après avoir dit : ce n’est pas la peine de