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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/37

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une lutte à mort, depuis le revolver jusqu’au compas.

Il semblait qu’on allât enfin se jeter à la gorge du monstre impérial.

J’avais pour ma part un poignard volé chez mon oncle, il y avait quelque temps déjà, en rêvant d’Harmodius et j’étais en homme pour ne pas gêner ni être gênée.

Les blanquistes, bon nombre de révolutionnaires, tous ceux de Montmartre étaient armés ; la mort passait dans l’air, on voyait la délivrance prochaine.

Du côté de l’Empire, toutes les forces avaient été appelées ; semblable déplacement n’avait point été vu depuis décembre.

Le cortège s’allongeait immense, répandant autour de lui une sorte de terreur ; à certains endroits d’étranges impressions passaient ; on avait froid et les yeux brûlaient comme s’ils eussent été de flamme ; il semblait être une force à laquelle rien ne résisterait ; déjà on voyait la république triomphante.

Mais pendant le trajet, le vieux Delescluze qui pourtant sut mourir héroïquement quelques mois après, se souvint de décembre, et craignant le sacrifice inutile de tant de milliers d’hommes, il dissuada Rochefort de promener le corps dans Paris, se rattachant à l’opinion de ceux qui voulaient le conduire au cimetière. Qui peut dire si le sacrifice eût été inutile ? Tous croyaient que l’Empire attaquait et se tenaient prêts.

La moitié des délégués des chambres syndicales était d’opinion de porter le corps dans Paris jusqu’à la Marseillaise, l’autre moitié de suivre la route du cimetière.

Louis Noir qu’on croyait pencher pour la vengeance immédiate, trancha la question en déclarant qu’il ne voulait pas pour son frère de funérailles sanglantes.

Ceux qui voulaient porter le corps dans Paris se refusèrent d’abord à obéir.