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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/396

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quelques autres de la ville, puis M. Simon, maire de Nouméa, me confia pour le chant et le dessin les écoles de filles de la ville ; j’avais en outre, de midi à deux heures et dans la soirée, un assez grand nombre de leçons en ville.

Le dimanche, du matin au soir, ma case était pleine de Canaques apprenant de tout leur cœur à condition que les méthodes fussent mouvementées et très simples. Ils sculptaient assez gracieusement en relief sur de petites planchettes que nous donnait M. Simon, des fleurs de leur pays. Les personnages avaient les bras raides, mais en accentuant un peu l’expression du modèle, ils la saisissaient bien. Leur voix d’abord très grêle prenait au bout de quelque temps de solfège un peu plus d’ampleur. Jamais je n’eus d’élèves plus dociles et plus affectionnés : ils venaient de toutes les tribus. Là je vis le frère de Daoumi, un véritable sauvage celui-là, mais qui venait apprendre l’œuvre interrompue par la mort de Daoumi (apprendre pour sa tribu).

Le pauvre Daoumi avait aimé la fille d’un blanc ; quand son père l’eut mariée, il mourut de chagrin. C’était pour elle autant que pour les siens qu’il avait commencé cette œuvre de géant : apprendre ce que sait un blanc. Il s’essayait à vivre à l’européenne.

Les taiaus me racontèrent pourquoi dans la révolte, malgré les dix sous qu’ils prélèvent éternellement sur les Canaques et multiplieront tant que les Canaques vivront en domestiques autour de la mission, ils ont respecté les pères maristes, c’est que les pères leur montrent à lire.

Leur montrer à lire ! est pour eux un bienfait qui efface toutes les exactions.

À Nouméa je trouvai le bon vieux Étienne, l’un des condamnés à mort de Marseille commués à la déportation. M. Malato père, pour lequel le maire, M. Simon,