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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/45

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agression sur l’imprimeur Rochette, il eût donc été facile de persuader aux jurés spécialement triés, lesquels ne demandaient qu’à se laisser convaincre de l’innocence de leur accusé, que je m’étais laissé aller à mon emportement ordinaire à l’égard du prince qui s’était trouvé dans le cas de légitime défense.

» Cette imposture n’eût pas expliqué pourquoi le prince au revolver à dix coups le portait dans la poche de sa robe de chambre pour se promener dans son salon, et pourquoi surtout, en vue d’une rencontre inévitable et qu’il avait lui-même cherchée, il s’était abstenu de constituer des témoins ; mais j’étais l’ennemi, et les conseillers généraux dont on composa la haute cour chargée de juger le meurtrier n’auraient pas manqué de mettre l’acquittement de celui-ci aux pieds l’Empereur.

» L’Impératrice eut même, à la nouvelle de l’assassinat, un mot qui peignait son état d’âme et celui de tout son entourage :

» — Ah le bon parent ! s’écria-t-elle en parlant de l’assassin sans plus se préoccuper de l’assassiné.

» Les journaux officieux, avec la candeur de la platitude, ne firent même aucune difficulté de rapporter en lui du faisant honneur cette exclamation accusatrice.

» La commotion produite dans Paris par ce coup de Jarnac fut incommensurable. J’ignore s’il raccommoda Pierre Bonaparte avec les Tuileries, mais il brouilla à jamais les Tuileries avec la France.

» J’avais été avisé du crime à cinq heures du soir. À six heures je rédigeais cet article qui était plutôt un placard, étant donné le caractère dans lequel nous l’imprimâmes :

» J’ai eu la faiblesse de croire qu’un Bonaparte pouvait être autre chose qu’un assassin !