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Page:Michel - Prise de possession.djvu/21

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Notre décrépitude en a d’aussi féroces qu’on les puisse imaginer, elles ont le tort d’être vraies quoique parfaitement incroyables pour l’avenir.

En voici une toute chaude, toute chaude de sang.

Elle dira à ceux qui nous succéderont à quel point de cruauté nous sommes s’ils peuvent y ajouter foi.

Un chef de pirates, Doï-Van, devenu chef de partisans contre les envahisseurs, avait imaginé pour mieux vaincre l’ennemi, de l’étudier dans ses redoutes.

Il feignit la soumission et sachant les forces de l’ennemi, il recommença le combat pour sa liberté, c’était un audacieux, un brave, il devait subir la défaite et la mort.

Traqué par les siens même, achetés ou affolés, il fut condamné à mort, l’exécution fut si horrible qu’elle fait douter si ce n’est pas une provocation.

Cela se passe au Tonkin, entreprise néfaste qu’on représentait naguère sous cette forme saisissante, un képi sur une tête de mort.

Le jeudi 9 novembre 1889, centenaire de la Révolution, le Doï-Van, condamné à mort par le tribunal mixte de Bac-Ninh, a fait, dans une cage, comme au temps de Louis XI, son entrée dans Hanoï, la cangue au cou, les bras entravés, et s’est attaché à une potence sur une plate-forme qui doit servir à la musique des régiments qu’il a dû subir, agenouillé, la face tournée du côté du lac, la longue lecture de la sentence en français et en anamite. On avait choisi pour cela un de ses ennemis.

Ses vêtements ôtés laissent à découvert les blessures qu’il a reçues dans la lutte contre les occupants de son pays, il lui faut subir le frottement sur son cou de la main du bourreau ; les trois coups de goug qui prolongent l’agonie.

Le calme de Doï-Van ne se dément pas : « fais vite ! » dit-il au bourreau.

La tête abattue est jetée en avant, souvent des sauvageries, un chien de chasse amené par des français, la ramasse ; détail qui ne serait pas déplacé chez les cannibales.