Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/409

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mais des formes nécessaires dont toutes les nations se sont servies dans leur âge poétique pour exprimer leurs pensées, et que ces expressions, à leur origine, ont été employées dans leur sens propre et naturel. Mais à mesure que l’esprit humain se développa, à mesure que l’on trouva les paroles qui signifient des formes abstraites, ou des genres comprenant leurs espèces, ou unissant les parties en leurs entiers, les expressions des premiers hommes devinrent des figures. Ainsi nous commençons à ébranler ces deux erreurs communes des grammairiens, qui regardent le langage des prosateurs comme propre, celui des poètes comme impropre, et qui croient que l’on parla d’abord en prose et ensuite en vers.

6. Les monstres, les métamorphoses poétiques furent le résultat nécessaire de cette incapacité d’abstraire la forme et les propriétés d’un sujet, caractère essentiel aux premiers hommes, comme nous l’avons prouvé dans les axiomes. Guidés par leur logique grossière, ils devaient mettre ensemble des sujets, lorsqu’ils voulaient mettre ensemble des formes, ou bien détruire un sujet pour séparer sa forme première de la forme opposée qui s’y trouvait jointe.

7. La distinction des idées fit les métamorphoses. Entre autres phrases héroïques qui nous ont été conservées dans la jurisprudence antique, les Romains nous ont laissé celle de fundum fieri pour auctorem fieri ; de même que le fonds de terre soutient et la couche superficielle qui le couvre, et ce qui s’y trouve semé, ou planté, ou bâti, de même l’approbateur soutient l’acte qui tomberait sans son approbation ; l’approbateur quitte le caractère d’un être qui se meut à sa